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3.2 Risque lié au verrouillage des émissions

Définir notre avenir : Vers une économie faible en carbon
 

La TRN en arrive constamment à la conclusion que tout retard dans la prise de mesures gouvernementales
afin de réduire de façon substantielle les émissions entraînera des coûts41. Dans cette section, nous
évaluons les conséquences à prévoir si l’on tarde à transmettre des signaux stratégiques déterminants
à l’échelle de l’économie pour orienter les choix d’investissement et les choix technologiques en fonction
d’objectifs de réduction des émissions de carbone, ce que l’on appellera le risque économique lié au
verrouillage des émissions. Les pays du G8, dont le Canada, ont pris acte de l’importance qu’il y avait à
limiter le réchauffement global afin qu’il n’excède pas 2° Celsius par rapport aux températures de l’ère préindustrielle, et ils ont convenu que des mesures devaient être prises de toute urgence afin que cet objectif
à long terme soit atteint42. Pour le Canada, cela correspond à une réduction de l’ordre de 65 % de
ses émissions par rapport à 2005, et ce, d’ici 2050g.

Le profil des émissions produites par les infrastructures ou le matériel qui existent déjà ou qui sont en
cours de construction est pour l’essentiel figé, ou « verrouillé » : en effet, pour prévenir ces émissions, il
faudrait procéder à des remises en état, à des travaux de modernisation de grande ampleur ou encore à
un ralentissement ou à une interruption des opérations, soit autant de mesures qui imposent un coût élevé
aux entreprises et qui peuvent même remettre en question la compétitivité de ces dernières. Par exemple,
une fois qu’un groupe de production d’électricité alimenté au charbon est mis en service, il demeure en
fonction pendant au moins 30 ansh. Des travaux de rénovation ou de remise en état d’envergure avant la
fin de ce délai pour que le groupe de production se conforme aux nouvelles normes sur les émissions de
GES coûteraient généralement plus cher que si on avait pris intégré les nouveaux objectifs de rendement
à la conception du groupe au départ et imposeraient au propriétaire des coûts qui n’avaient pas été pris
en compte dans l’analyse de rentabilisation du groupe de production. Chaque année qui s’écoule sans que
l’on mette en place une politique climatique ostensible, à long terme et fondée en droit signifie que l’on
rate l’occasion de tirer avantage des cycles naturels de renouvellement des infrastructures et du matériel;
il n’en sera que plus ardu et plus onéreux d’atteindre les objectifs de réduction des émissions.

Nous avons utilisé le modèle CIMS (système canadien de modélisation intégrée) – modèle de simulation
bien connu qui conjugue économie et énergie – pour quantifier les émissions des infrastructures et
du matériel en service à long terme dans les secteurs des bâtiments, des transports, de l’électricité, de la
fabrication ainsi que du pétrole et du gaz natureli. Nous fondant sur le SCÉNARIO DE RÉFÉRENCE, nous avons
mesuré les émissions produites par ces infrastructures et ce matériel d’ici 2050, en tenant compte de leur
durée de vie utile. Nous avons examiné deux situations : dans la première, l’examen porte sur les infrastructures
et le matériel en service ou en construction au Canada en date de 2012 (Figure 7); la seconde
englobe ces infrastructures et ce matériel ainsi que ceux qui seront construits et installés entre 2012 et
2020 (Figure 8). Aucune des deux situations ne présuppose la mise en application de politiques climatiques
autres que celles que prévoit le scénario de référence (c’est à dire l’ensemble des mesures de réduction
importantes déjà appliquées ou proposées par les administrations fédérale, provinciales et territoriales).

Figure 7 et 8

Figures 7 et 8

Les infrastructures et le matériel en place à l’heure actuelle et d’ici 2020 pourraient être à l’origine de
40 % à 56 % des émissions produites au Canada d’ici 2030, ces pourcentages se situant entre 4 % et 7 % d’ici
2050. Les Figures 7 et 8 illustrent les profils des émissions des infrastructures et du matériel en fonction
au Canada en 2012 et en 2020, respectivement, selon le scénario de référence. La part relative des émissions
qui est attribuable à ces infrastructures et à ce matériel en 2012 et en 2020 diminue à mesure que ceux
ci atteignent la fin de leur durée de vie utile. La comparaison des deux figures permet de mesurer les
émissions additionnelles verrouillées par suite du retard de huit ans – incorporé à la modélisation – dans
la mise en application de politiques. Ce sont les infrastructures et le matériel du secteur du pétrole et du
gaz naturel qui affichent globalement la durée de vie utile la plus longue, produisant environ 47 % des
émissions verrouillées d’ici 2030 mais 71 % d’ici 2050 (émissions verrouillées en 2012). Les émissions
produites par les infrastructures et le matériel dans les secteurs des transports et du bâtiment en service
en 2012 et en 2020 descendent presque à zéro d’ici 2050.

Nous avons également comparé les profils des émissions verrouillées produites par les infrastructures et
le matériel en place en 2012 et en 2020 avec un profil d’émissions qui permettrait au Canada de réduire,
d’ici 2050, les émissionsj cumulatives de 65 % par rapport à 2005. Voici ce que nous avons observé :

// Le fait de différer jusqu’en 2020 la mise en application d’une politique climatique rigoureuse pourrait
rendre nécessaires des mises à niveau ou la mise hors service prématurée d’infrastructures et de matériel à
tout le moins jusqu’en 2025 pour que le Canada puisse atteindre son objectif pour 2050. La zone triangulaire
située au dessus de la ligne correspondant au scénario « Objectif 2050 » dans la Figure 8 représente les
émissions produites par des immobilisations qui nécessiteraient d’importantes rénovations ou remises en
état ou dont on devrait ralentir ou interrompre les opérations (mise hors service prématurée) pour que la
trajectoire des émissions concorde avec la cible du scénario « Objectif 2050 » (il s’agit en d’autres termes de
coûts économiques qui seraient par ailleurs évitables et qui découlent du retard dans la prise de mesures).

// Un retard dans la mise en oeuvre d’une politique appropriée limitera la possibilité pour le Canada de réduire
ses émissions de façon économique. Le coût par tonne de réduction cumulative dans le scénario « Objectif
2050 » est d’un peu moins de 56 $. Il ressort de notre analyse que, si l’on attend jusqu’en 2020 avant d’envoyer
un signal clair au moyen de politiques, ce coût atteint 71 $. Le Canada devrait investir 2,9 milliards de dollars
de plus par année de 2020 à 2050 pour réaliser des réductions d’émissions cumulatives comparables à celles du
scénario « Objectif 2050 » et contrebalancer les effets du retard de huit ans avant la mise de l’avant d’une politique,
soit un investissement additionnel de quelque 87 milliards de dollars au cours de la période en question.

// Les émissions verrouillées en raison du maintien en service d’infrastructures et de matériel laissent peu
de marge de manoeuvre dans l’optique de la croissance de l’économie et de l’atteinte de l’objectif fixé pour
2050. La Figure 8 montre comment les émissions verrouillées au regard des infrastructures et du matériel en
service en 2020 peuvent restreindre les possibilités en vue de réduire les émissions à l’échelle de l’économie
d’ici 2050 sans avoir à procéder à des rénovations coûteuses ou à mettre des actifs hors service prématurément.
Si les signaux appropriés avaient été en place, des technologies à plus faible intensité d’émissions auraient
été utilisées, de sorte que l’on aurait eu plus de marge de manoeuvre à l’égard des émissions associées à
l’expansion économique.

Il y a deux raisons qui pourraient faire en sorte que le risque associé au verrouillage des émissions soit plus
important que ce que nous venons de décrire. D’abord, notre analyse ne tient pas compte des effets éventuels
de facteurs comme l’aménagement, la taille et la densité des villes canadiennes, les lacunes au chapitre des
cadres réglementaires et les contraintes imposées par l’utilisation actuelle des terres si l’on veut réduire
davantage le profil des émissions à long terme. Par exemple, l’existence d’infrastructures de gaz naturel fait
en sorte que l’on continuera d’utiliser ce combustible pour le chauffage des locaux et de l’eau, même s’il est
possible de remplacer ce matériel par des technologies nouvelles sans émission avant la fin de la vie utile
de la structure des bâtiments. Ensuite, il y a du matériel et des infrastructures qui peuvent être maintenus
en service beaucoup plus longtemps que leur durée de vie utile moyenne. Ainsi, des centrales au charbon
existantes qui font l’objet des révisions appropriées pourraient demeurer en service jusqu’en 2050.

3.3 Conclusion

 

Le Canada doit agir dès maintenant. En témoignent éloquemment les vastes perspectives qui peuvent
s’offrir au pays s’il opte pour un avenir sobre en carbone, dont il a été question au chapitre 2, de même que
les risques économiques à prévoir si l’on tarde à aller de l’avant, soit l’objet du présent chapitre. Les Canadiens
peuvent revoir le rythme de la transition, mais il ne faut pas que le mieux soit l’ennemi du bien. Pour leur
part, les décideurs doivent s’attendre à devoir intervenir à plus d’une reprise, et garder à l’esprit qu’ils ne
réussiront peut être pas du premier coup, et ils devront miser sur la capacité d’adaptation. Le Canada ne
peut s’offrir le luxe d’attendre l’approche ou le système « optimal » – cette attente sera vaine. Le Canada peut
mettre à profit les travaux d’avant garde menés par les chefs de file mondiaux, combler les lacunes clés des
approches actuelles et enrichir la base de connaissances. L’approche adoptée sera strictement canadienne et
devra évoluer au fil du temps, mais il faut débuter dès maintenant.

L’innovation est un élément essentiel. Le bien fondé de l’affirmation formulée précédemment au sujet du
maintien de la demande du marché au regard des sables bitumineux repose sans doute en grande partie
sur la commercialisation et la mise en oeuvre de technologies de captage et de stockage de carbone (CSC).
L’innovation est de première importance si l’on veut assurer la robustesse et la prospérité à long terme de
l’assise actuelle de l’économie canadienne, et elle est tout aussi cruciale pour assurer l’essor des BSFIC, qui
pourraient faire un apport substantiel à l’économie à long terme.

Le Canada devra adopter une perspective stratégique. De nombreux intervenants prennent actuellement
des mesures – ou l’ont déjà fait – dans le but de se tailler une place dans le domaine des technologies propres
et de l’énergie propre, qui est axé en grande partie sur de faibles émissions de carbone. Aux fins d’appuyer
la transition vers une économie sobre en carbone, le Canada doit déterminer les domaines où il détient à la
fois un avantage et les moyens de l’exploiter.

Le Canada peut certes continuer de tirer profit de l’extraction et de la vente de pétrole brut non conventionnel
et d’autres ressources à forte intensité de carbone, mais les Canadiens ne doivent rien prendre pour acquis
à cet égard. À long terme, il faut se doter d’un plan de transition, d’un plan de croissance à faible intensité
de carbone
.


[g] Aux termes de l’énoncé de politique du Canada intitulé Prendre le virage, le gouvernement du Canada a pris l’engagement de réduire les émissions de GES de façon
qu’elles soient de 60 % à 70 % inférieures aux niveaux de 2006. On considérait que cet objectif correspondait à une réduction à grande échelle des émissions de
GES. Dans le document D’ici 2050, la TRN a associé à cet engagement une cible de réduction de 65 %. Pour assurer la concordance avec l’année de référence
utilisée par le gouvernement pour ses cibles de 2020, nous avons changé l’année de base pour 2005 aux fins du présent rapport. Plusieurs pays membres de l’OCDE
(dont le Royaume-Uni et le Japon) ont opté pour une démarche stratégique visant à réduire leurs émissions afin que, d’ici 2050, elles soient de 80 % inférieures
à leur niveau de 1990 (OCDE, 2011e). L’engagement à long terme pris par les États-Unis dans le cadre du Sommet de Copenhague correspond à une réduction
de 83 % par rapport à 2005. Il est mentionné dans le Rapport mondial sur le développement humain 2008 du PNUD que les pays développés devront réduire d’au
moins 80 % leurs émissions d’ici 2050 (Programme des Nations Unies pour l’environnement, 2007).

[h] Conformément au Règlement sur la réduction des émissions de dioxyde de carbone – secteur de l’électricité thermique au charbon, la vie utile d’un groupe de
production se termine au dernier en date des jours suivants : 45 ans après la date de la mise en fonction du groupe de production, ou la date de fin de l’entente
d’achat d’électricité dont il fait l’objet (gouvernement du Canada, 2011a).

[i] Le rapport de la firme d’experts conseils Navius Research Inc, intitulé Investment and Lock-in Analysis for Canada (Navius Research Inc., 2012), est disponible
sur demande.

[j] La réduction des émissions cumulatives est la méthode de mesure scientifique de l’atténuation des changements climatiques. Les cibles annuelles correspondent à un niveau d’émissions à un point donné dans le temps, tandis que la réduction des émissions cumulatives englobe la totalité des émissions de GES produites au cours d’une période donnée. La prise en compte des émissions cumulatives permet de procéder à la comparaison directe des coûts et de l’efficacité des politiques.

[41] Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie, 2009c, 2011b.

[42] Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, 2011.