Enjeux

Rechercher

NOUS TRAÇONS LA VOIE AU DÉVELOPPEMENT DURABLE

NOTRE PROCESSUS

Notre processus aide le Canada à trouver des solutions de développement durable intégrant les considérations environnementales et économiques afin d'assurer la prospérité et le bien-être de notre nation.

EXPLORER

We rigorously research and conduct high quality analysis on issues of sustainable development. Our thinking is original and thought provoking.

RASSEMBLER

We convene opinion leaders and experts from across Canada around our table to share their knowledge and diverse perspectives. We stimulate debate and integrate polarities. We create a context for possibilities to emerge.

CONSEILLER

We generate ideas and provide realistic solutions to advise governments, Parliament and Canadians. We proceed with resolve and optimism to bring Canada’s economy and environment closer together.

3.0 Risques à prévoir si le Canada tarde à faire la transition vers une économie sobre en carbone

Définir notre avenir : Vers une économie faible en carbon
 

Risks in delaying cover

S’il y a de possibilités à saisir, il y a également des risques. Différer la transition du Canada vers une économie sobre en carbone pourrait avoir comme effet de limiter l’accès de nos entreprises aux marchés internationaux, d’entacher la réputation du Canada à l’étranger et de donner lieu à des coûts économiques en raison du maintien en service d’infrastructures et de matériel engendrant de fortes émissions.

Dans le chapitre précédent, nous avons traité de la demande de plus en plus grande à l’échelle nationale
et internationale à l’endroit des biens et services à faible intensité de carbone (BSFIC) ainsi que des
possibilités qui s’offrent aux entreprises canadiennes afin de combler cette demande. Selon notre analyse
des dépenses en BSFIC au niveau national et au niveau mondial d’ici 2050, la valeur rattachée à ces
possibilités pourrait osciller entre 70 milliards et 149 milliards de dollars. Nous avons aussi indiqué que
l’hydroélectricité, le CSC, l’énergie nucléaire et les procédés industriels efficients sont autant de domaines
où le Canada dispose actuellement d’un avantage et qui présentent un fort potentiel de croissance à long
terme. Nous avons montré l’importance que revêtent la promotion des secteurs des BSFIC existants et le
développement de nouveaux secteurs dans l’optique de la transition du Canada vers une économie sobre
en carbone. Toutefois, ce n’est là qu’un aspect de la situation : le Canada et le reste du globe doivent
inévitablement réduire les émissions de carbone produites par les secteurs traditionnels de l’économie.

Considérant la croissance attendue de l’industrie des combustibles fossiles, le passage à une économie
sobre en carbone représente un énorme défi. Le Canada est en mesure d’être un important fournisseur
international de pétrole au cours des prochaines années, et le fait de vendre son pétrole brut aux
économies en expansion rapide lui procurera des avantages économiques. Selon les estimations de
l’Agence internationale de l’énergie, la demande mondiale d’énergie augmentera de 36 % d’ici 2035, et
une part importante de cette augmentation touchera les combustibles fossiles36. Pour sa part, l’Office
national de l’énergie prévoit d’ici 2035 une hausse record de l’offre canadienne de pétrole et de gaz ainsi
qu’une expansion particulièrement forte des sources non conventionnelles de pétrole37.

Cependant, le fait de différer la prise de mesures et d’omettre de se préparer et de planifier en vue de la
transition vers une économie sobre en carbone soulève des risques trop importants pour qu’on néglige de
s’y arrêter. Dans ce chapitre, nous examinons deux risques économiques clés pour le Canada : le premier
a trait à l’accès aux marchés et à la compétitivité, et il découle du maintien du niveau d’intensité de
carbone associé aux échanges commerciaux et de l’évolution des attentes des consommateurs; l’autre est
posé par des décisions d’investissement en matériel et en infrastructure entraînant un « verrouillage » des
émissions pour des décennies.

3.1 Risques touchant la compétitivité, l’accès aux marchés et les échanges commerciaux

 

À mesure que les pays posent des gestes pour réduire leurs émissions de carbone et que les marchés de biens
et services à faible intensité de carbone prennent de l’expansion, l’attention accordée à l’intensité de carbone
des importations et au risque associé aux émissions de carbone au niveau des entreprises commerciales
s’accroît. Les pays ayant adopté des politiques climatiques rigoureuses pourraient fort bien recourir à des
mesures commerciales afin d’éviter que les secteurs de leur économie subissent la concurrence d’entreprises
se trouvant dans des administrations où il n’existe pas de politiques comparables. De telles mesures soulèvent
un risque direct pour les exportateurs de biens et services à forte intensité de carbone en imposant des
coûts d’entrée additionnels ou en limitant carrément la demande à l’endroit de biens à forte intensité de
carbone. Les rajustements à la frontière au titre du carbone, les normes applicables aux carburants à faible
teneur en carbone et l’indication de l’empreinte carbone des produits sont des exemples de mesures que des
administrations prennent ou envisagent de prendre à l’heure actuellea.

Plusieurs secteurs de l’économie canadienne pourraient être exposés à de tels risques reliés à la compétitivité
et à l’accès aux marchés dans une économie mondiale sobre en carbone. À court terme, il pourrait arriver que
les biens canadiens soient assujettis à des pénalités à la frontière en fonction des émissions associées à leur
production et à leur transportb. Dans son analyse de 2011 sur les choix en matière de politique climatique
pour le Canada et les États-Unis, intitulée Voies parallèles, la TRN évalue les risques pour la compétitivité
(y compris les rajustements à la frontière au titre du carbone) comme étant modérés, compte tenu de la
trajectoire que suivent actuellement les politiques en vigueur au Canada (harmonisation des cibles). Les
secteurs à forte intensité d’énergie, comme ceux des produits pétrochimiques et de la sidérurgie, pourraient
toutefois être vulnérables. Au total, la valeur des exportations pouvant être assujetties à un hypothétique
mécanisme américain similaire à ceux ayant été envisagés par le passé s’élève à 67 milliards de dollars par
année (soit à peu près 26 % des exportations destinées aux États-Unis en 2009)c. La conception de mesures
comme des rajustements à la frontière au titre du carbone n’est pas une tâche facile si l’on veut que ces
mesures soient à la fois efficaces et légales aux termes des règles de l’Organisation mondiale du commerce
(OMC), ce qui a d’ailleurs pour effet de limiter leurs possibilités d’application dans la pratique. Il n’y a pas
de consensus dans le domaine juridique sur la question de savoir si de tels rajustements pourraient être
maintenus à partir du moment où l’on ferait appel au mécanisme de règlement des différends de l’OMC38.
C’est sans compter que les obligations sous le régime de l’OMC n’empêchent pas toujours les pays de mettre
en oeuvre des mesures prêtant à controverse, ce qui tient au délai important qui a tendance à s’écouler entre
le moment de la mise en oeuvre des mesures contestées et la prise d’une résolution finale dans le cadre du mécanisme de règlement des différends de l’OMCd. En bout de ligne, le Canada ferait un pari risqué s’il
devait miser sur les contestations devant l’OMC en vue d’atténuer les risques économiques qui pourraient
découler de l’application de rajustements à la frontière au titre du carbone.

La Californie et l’UE mettent en vigueur des normes sur les carburants à faible teneur en carbone (NCFTC)
qui désavantagent les carburants à base de pétrole, du fait de la forte intensité d’énergie de leur production.
En raison de l’efficacité de telles normes comme moyen de réduire les émissions de carbone dans le domaine
du transport, des appels répétés ont été lancés aux États-Unis en vue de l’adoption d’une NCFTC de portée
nationale. En l’absence d’activités de CSC d’envergure commerciale, l’application d’une norme de ce genre
entraverait forcément les exportations canadiennes de pétrole brut provenant des sables bitumineux à
destination des États-Unis, qui constituent et de loin le plus important consommateur de ce pétrole. Bien
que la légalité des NCFTC aux termes du droit commercial international n’ait pas encore été établie et
demeure de ce fait incertaine (puisqu’il s’agit de normes, elles seraient assujetties à l’Accord relatif aux
obstacles techniques au commerce
), certains travaux de recherche non encore publiés laissent penser que de
telles normes seraient considérées comme étant légales39.

Les mesures commerciales à court terme constituent certes un enjeu, mais il existe aussi des risques à plus
long terme qui sont associés à une économie à fortes émissions de carbone, et notamment un risque pour la
réputation. La réputation d’un pays est en quelque sorte l’image de marque de ce dernier, et elle influe de
façon importante sur sa capacité à écouler ses biens sur les marchés internationaux. Si l’on perçoit le Canada
comme étant un pays qui accuse un retard au chapitre de ses politiques climatiques, et si en plus on fait la
promotion de modalités d’étiquetage aidant les consommateurs à gérer les émissions intrinsèques aux biens
et services qu’ils consomment, la combinaison de ces deux facteurs aura un effet particulièrement marqué.
Une telle image pourrait même amener les consommateurs à boycotter les produits canadiens ou à prendre
d’autres mesures à leur encontre. Les organisateurs de campagnes sont suffisamment sophistiqués de nos
jours pour tenter, par exemple, de faire le suivi des produits tirés des sables bitumineux canadiens tout au
long de la chaîne d’approvisionnement jusqu’à la vente au détail, puis d’exhorter les consommateurs à ne
pas les acheter. Dans un secteur où les produits sont très homogènes, comme la vente au détail d’essence, ce
genre de mesure peut avoir des effets importantse.

Une perception négative du Canada aura aussi des répercussions sur la capacité des entreprises canadiennes
à investir à l’étranger ainsi que sur la mesure dans laquelle les activités donnant lieu à de fortes émissions
seront acceptées ici même. De même que le Canada s’efforce de faire une sélection des investissements
directs de l’étranger et de bloquer ceux qu’il juge indésirablesf, les décideurs étrangers pourraient subir des
pressions en vue d’agir de même à l’endroit des entreprises canadiennes qui souhaitent se voir accorder
des projets ou des concessions à l’étranger. Ce risque présente une autre dimension : il se peut que les
activités de mise en valeur menées par les secteurs canadiens des ressources naturelles soient freinées par les collectivités locales et des parties prenantes canadiennes et étrangères (citons à titre d’exemple les
protestations survenues au Nouveau-Brunswick en 2011 au sujet des tests d’exploration ayant trait au gaz
de schiste, aux protestations à Washington et ailleurs en 2012 au sujet du projet de pipeline Keystone XL en
particulier et de l’exploitation des sables bitumineux canadiens en général, les protestations de 2012 contre
le projet de pipeline Northern Gateway et celles de la même année ayant trait aux activités d’extraction de
métaux dans la « ceinture de feu » de l’Ontario). Fondamentalement, la perception que l’on a du Canada à
l’étranger peut influer sur la perception qu’ont les Canadiens de leurs industries, ce qui peut en retour avoir
une incidence sur la « licence sociale » des secteurs ou des entreprises. Le fait de mettre de l’avant un plan
énonçant les objectifs et les cibles à atteindre en vue de la transition du Canada vers une économie sobre en
carbone et de pouvoir ensuite faire état de mesures allant dans ce sens aiderait à atténuer les inquiétudes
de toutes les parties concernées.

Enfin, la forte intensité de carbone de notre économie par rapport à d’autres économies et l’importance des
exportations à forte intensité de carbone auront à long terme des répercussions sur la situation commerciale
du Canada. Les dépenses dites de « stimulation verte » effectuées en 2008 en différents points du globe ont
servi à démontrer la confiance à l’endroit du potentiel de croissance supérieur de l’activité économique
sobre en carbone par rapport aux secteurs traditionnels40. Même si certains de ceux qui font les premiers
pas ne pourront en tirer un avantage, il est indéniable que le fait de procéder à une évaluation stratégique et
d’exploiter les créneaux au sein d’une économie sobre en carbone à l’état naissant procurera des avantages.
À l’opposé, si une économie continue d’axer ses échanges sur les exportations à forte intensité de carbone en
l’absence de plan de transition à long terme
, elle s’expose à un risque de stagnation et de malaise économique
à long terme. Un fléchissement de la compétitivité sur le plan du carbone – c’est à dire l’intensité en
carbone relative d’une économie donnée ou d’un produit donné par rapport aux économies ou aux produits
concurrents – peut se traduire par une détérioration des termes de l’échange pour les produits concernés
(baisse de la valeur relative des produits en raison du fléchissement de la demande). Dans le cas d’usines
appartenant à des multinationales, l’absence de politiques habilitantes peut aussi faire en sorte qu’il soit
difficile de mobiliser les capitaux requis pour garantir sa position concurrentielle au niveau international.


[a] Les commentaires présentés dans cette section sont fondés principalement sur un rapport de recherche préparé pour la TRN par l’Institut international du
développement durable (Cosbey, Stiebert et Dion, 2012, disponible sur demande).

[b] L’étude menée par l’OCDE (Wooders, Cosbey et Stephenson, 2009) traite en détail des rajustements à la frontière au titre du carbone.

[c] Ce chiffre est probablement inférieur à la réalité, car l’intensité de GES associée à nombre de secteurs manufacturiers canadiens est censément plus élevée que
celle calculée, à partir du moment où il y a beaucoup d’installations produisant des émissions de GES dont le volume est inférieur au seuil de 50 000 tonnes à
partir duquel la déclaration des émissions est obligatoire.

[d]

[e] Par la suite d’une campagne menée par le groupe de défense de l’environnement ForestEthics, 16 grandes sociétés américaines et une ville ont annoncé publiquement
leur intention de moins utiliser, ou même de ne plus utiliser du tout, des carburants de transport à forte teneur en carbone (ForestEthics, 2012).

[f] L’échec de l’offre publique d’achat chinoise de l’entreprise Noranda et la controverse entourant les offres étrangères concurrentes à l’égard de la Potash Corporation
constituent des exemples de cette dynamique.

[36] Agence internationale de l’énergie, 2011.

[37] Office national de l’énergie, 2011b.

[38] Cosbey, 2009.

[39] Verrill, à paraître.

[40] Robins, Clover et Singh, 2009.