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Courant de changement – Chapitre 4.3 : Secteur agricole

Chapitre quatre

Secteur agricole

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Dans son examen du secteur canadien de l’agriculture et de son utilisation de l’eau, la TRNEE s’intéresse avant tout à deux domaines : la production primaire et la fabrication. La production primaire correspond à la définition traditionnelle de l’agriculture (cultures, viandes rouges et produits laitiers). Pour sa part, la fabrication est examinée dans l’optique de la transformation des biocombustibles.

Bien que la production agricole primaire utilise en tout moins d’eau que d’autres secteurs des ressources naturelles au Canada (10 % de l’eau utilisée à l’échelle nationale)[66], elle en est le plus grand consommateur, réalisant 66 % de la consommation nationale. La majeure partie de l’eau qu’utilise le secteur sert aux pratiques d’irrigation, étant alors consommée par l’absorption qu’en font les végétaux, par percolation profonde et par évaporation. L’irrigation n’est toutefois pas toujours nécessaire en production primaire, de sorte que l’utilisation et la consommation d’eau dépendent non seulement du type de pratiques agricoles, mais également de caractéristiques climatiques et régionales. Les pratiques agricoles peuvent aussi avoir un impact sur la qualité de l’eau puisqu’elles contribuent abondamment à la pollution diffuse.

Importance économique du secteur agricole pour le Canada

On ne peut examiner la valeur et la contribution du secteur de l’agriculture, tant pour la population que pour l’économie du Canada, en marge de ses racines historiques, culturelles et économiques et de sa place dans le paysage canadien. Bien que le nombre de fermes ait fait une chute spectaculaire au fil du temps, la superficie totale des terres en culture s’est accrue[67]. Cette tendance, qui est attribuable en partie à la réussite économique d’exploitations agricoles de plus en plus grandes et spécialisées, est importante dans le contexte de l’utilisation agricole de l’eau. Elle est également pertinente dans la perspective de « la permission publique d’exploiter » et de la rivalité face à l’eau.

Les producteurs agricoles canadiens fournissent plus de 70 % de la nourriture achetée dans les magasins canadiens (2007)[68]. La production de biens et services agricoles a contribué pour 14,9 milliards de dollars en 2008[69] à l’économie canadienne, ce qui représente environ 2 % du PIB, exclusion faite de la fabrication d’aliments. La contribution annuelle du secteur découle de nombreux facteurs qui échappent aux forces du marché et qui ont un effet sur la production et la valeur marchande de ses produits, comme la disponibilité d’eau, la température, l’humidité et le gel, les prix de l’énergie ainsi que l’offre et la demande mondiales des grands produits agricoles. C’est ce que témoigne la variation de leurs cours sur les marchés mondiaux[70].

La très grande instabilité des prix des produits agricoles et la concurrence grandissante d’autres pays exportateurs nuisent à la croissance de la production et des exportations céréalières du Canada. À long terme, la production agricole canadienne devrait dépasser l’accroissement démographique mondial et connaître un taux de croissance moyen composé de 2 % par année de 2008 à 2030. Les prévisions démontrent que l’augmentation de la demande mondiale de biocarburants pourrait entraîner une hausse à long terme des prix de certaines cultures[71]. Cette augmentation de la demande est le résultat de changements de fond intervenus aux États-Unis, au Canada et dans une foule d’autres pays développés. L’industrie des biocarburants connaît une croissance marquée qui devrait se poursuivre compte tenu de son expansion rapide depuis 2005. La capacité annuelle de production dépassait le milliard de litres pour l’éthanol et s’élevait à 200 millions de litres pour le biodiésel en 2008[72]. Selon les projections, la capacité de production annuelle devrait atteindre 2,3 milliards de litres d’éthanol et 67 millions de litres de biodiésel d’ici 2012 (à condition que toutes les usines en construction commencent à produire); mais on a mis en veilleuse le développement de plusieurs usines au début de 2009 en raison de la baisse des cours du pétrole[74]. Au bout du compte, la croissance de l’industrie du biodiésel sera largement fonction des politiques gouvernementales de réduction des émissions de GES et de leurs répercussions sur les marchés[66].

Principales utilisations de l’eau

L’eau douce et propre est essentielle à la production des fruits, des légumes et des produits céréaliers que consomment les humains ainsi que des céréales à consommation humaine et animale. Elle l’est est tout autant pour la production de viandes et de carburants dérivés de cultures et de sous-produits animaux.

Il est important de noter que la disponibilité et l’exactitude des données existantes sur l’utilisation de l’eau par le secteur agricole varient. Les fermes d’élevage ont une bonne idée de ce qu’elles font de leur eau, tout comme les syndicats d’arrosants, qui sont répandus en Alberta. Mais étant donné que la plupart des systèmes d’irrigation qu’utilisent les fermiers ne sont pas équipés de compteurs d’eau, il n’y a donc pas de données précises sur l’utilisation de l’eau. Statistique Canada continue d’améliorer son Enquête sur l’utilisation de l’eau à des fins agricoles.

L’utilisation de l’eau par le secteur varie grandement d’une région du pays à l’autre et au gré des produits agricoles. Ensemble, la Colombie-Britannique, l’Alberta et la Saskatchewan utilisent 92 % de toute l’eau employée à des fins agricoles au pays[75]. Comme on le voit à la figure 12, le secteur utilise la majeure partie de son eau pour l’irrigation des cultures et l’élevage d’animaux, et ce, dans une proportion de 77 % et de 20 % respectivement. Bien que les serristes n’aient utilisé que 1 % de toute l’eau employée par le secteur en 2006, on notera avec intérêt que cette industrie a vu son utilisation de la ressource s’accroître de 21 % de 2001 à 2006.

FIGURE 12

Figure 12 : Répartition de l'utilisation de l'eau à des fins agicoles

TABLEAU 5

Tableau 5 : Utilisation et pertes d'eau en production agricole

L’irrigation est l’utilisation non rationnelle la plus répandue qui soit de l’eau au Canada[77]. Dans les régions où l’irrigation est monnaie courante, le ratio de l’utilisation de l’eau à sa disponibilité est plus élevé qu’ailleurs au Canada. Bien que la majorité des fermes du Canada soient des « fermes sans irrigation », ne comptant que sur les précipitations naturelles, leur nombre diminue rapidement. Les pratiques d’irrigation varient grandement d’une région à l’autre selon le besoin et la disponibilité en eau. La demande est non seulement tributaire du type de culture, des conditions de sol et de l’utilisation finale de la culture, mais également fonction des variations climatiques et saisonnières. À l’heure actuelle, la Colombie-Britannique dépend de l’irrigation plus que toute autre province, 17 % du total de la superficie cultivée de la province étant irriguée. Suivent les provinces de l’Alberta et de la Nouvelle-Écosse, dont 4,6 % et 2,9 % respectivement de la superficie totale des terres cultivées sont sous irrigation[78]. Bien qu’elles ne donnent qu’une Tableau 5 Utilisation et pertes d’eau en production agricole Type de production Activités typiques Utilisation/ consommation/pertes d’eau Viande de bétail Nettoyage d’étable Consommation d’eau, déchets d’origine animale, pertes par évaporation et ruissellement Lait Abreuvement et soin du bétail Consommation d’eau, déchets d’origine animale, pertes par évaporation et ruissellement Cultures agricoles Protection des cultures contre le gel Pertes par évaporation, infiltration et ruissellement Cultures agricoles Mélange en cuve Évaporation, absorption par les végétaux, infiltration Cultures agricoles Irrigation Absorption par les végétaux, dérives, percolation profonde, évaporation, écoulement de surface Biocarburants Conversion de matières biologiques en carburant dans les bioraffineries Pertes par évaporation et par évacuation d’eaux usées idée de l’utilisation réelle de l’eau, les licences d’utilisation d’eau révèlent que l’irrigation a presque doublé dans la plupart des provinces (à l’exception de la Colombie-Britannique) entre 1950 et l’an 2001 (figure 13).

Les estimations d’Agriculture et Agroalimentaire Canada montrent qu’il reste plus de trois millions d’hectares de terres à « potentiel d’irrigation » au Canada, ainsi que l’illustre la figure 14, la moitié desquelles se trouvent en Saskatchewan. Certaines estimations de l’industrie sont supérieures. Dans un rapport récent, par exemple, la Saskatchewan Irrigation Projects Association recommandait de tripler la superficie des terres irriguées dans le Sud-Ouest de la Saskatchewan (la région de la province subissant le plus grand stress hydrique). Les régions à potentiel d’irrigation désignées pourraient se trouver dans des bassins versants libres de tout stress pour l’instant, mais il n’existe aucun cadre pour baliser le développement de l’irrigation en fonction des besoins actuels et futurs en eau[79].

FIGURE 13

Figure 13 : Développement de l'irrigation au Canada de 1950 à 2001

FIGURE 14

Figure 14 : Potentiel d'irrigation au Canada

La production animale demande beaucoup moins d’eau que l’irrigation puisqu’elle est à la source d’environ 5 % de l’eau utilisée par le secteur[82]. Or, ce type de production est beaucoup plus hydrophage que la production des cultures de base et la majeure partie de l’eau ainsi utilisée provient de sources souterraines. L’élevage d’animaux nécessite un approvisionnement stable en eau de grande qualité afin d’entretenir les animaux (pour la digestion et l’absorption d’éléments nutritifs), de combattre le stress de la chaleur ainsi que de nettoyer et d’entretenir les stalles.

La production animale a deux types d’impacts sur les ressources en eau. On observe, au chapitre de la qualité, des problèmes de gestion de la contamination causée par les déchets d’origine animale, les antibiotiques, les hormones, les produits chimiques des tanneurs et les engrais. L’eau est aussi contaminée par les pesticides dans les cultures fourragères et les sédiments provenant de l’érosion des pâturages[83]. De saines pratiques de gestion des terres et l’emploi de barrières de confinement peuvent aider à lutter contre les effets nocifs de l’épandage de fumier et du pâturage. Il est toutefois moins possible de contrôler la quantité d’eau requise pour entretenir le bétail, celle-ci dépendant du type de bétail, du niveau d’activité des animaux, de la température et de l’humidité de l’air local, de la composition des aliments pour animaux et d’un éventail d’autres facteurs[84]. Si le Canada répond à la demande grandissante de produits de la viande de pays émergents tels que la Chine et l’Inde, la demande d’eau augmentera également.

Production de biocarburants

La production de biocarburants, à partir de matières biologiques végétales ou de déchets d’origine animale, exige la même quantité d’eau que pour produire des cultures et pour élever des animaux à d’autres fins. On constate, en examinant le processus intégral, qu’il faut également de l’eau pour convertir les matières premières en biocarburant dans les bioraffineries, bien que, toutes proportions gardées, on en ait besoin en moins grande quantité que pour l’irrigation des cultures ou l’élevage d’animaux. Les enjeux et les impacts associés au traitement des biocombustibles sont semblables à ceux que connaissent les brasseries et d’autres installations de traitement industriel qui ont besoin de chauffer et de refroidir. Les utilisations non rationnelles de l’eau dans les bioraffineries d’éthanol sont largement attribuables aux pertes par évaporation des tours de refroidissement, aux pertes par évaporation lors du rejet de fluides asséchants et au rejet d’eaux usées. En production de biocarburants, l’eau sert de catalyseur et est consommée tant sous forme de pertes par évaporation que de rejets.

Certaines régions du monde, les États-Unis en particulier, s’intéressent au secteur des biocarburants. La demande accrue de matières biologiques a fait monter en flèche les prix des aliments, créant ce qu’on appelle le « débat aliments ou carburants ». On s’interroge également sur la baisse relative des émissions issues de la production de biocarburants dans une perspective du cycle de vie. Ainsi qu’on le souligne aussi très souvent, les politiques visant à favoriser l’utilisation grandissante de biocarburants n’ont pas l’habitude de tenir compte de la demande l’eau. La demande de biocarburants pourrait être lourde de conséquences locales pour la disponibilité de l’eau et peut-être aussi pour sa qualité.

L’utilisation et la consommation totales d’eau par unité de carburant produite varient selon la matière biologique, le carburant et les procédés de production. Des estimations de l’utilisation et de la consommation d’eau pour convertir la matière première en carburant sont présentées au tableau 6. Ces chiffres excluent les utilisations et la consommation d’eau par les aliments biologiques en croissance. Les estimations pour l’éthanol cellulosique devraient s’améliorer au fur et à mesure que ces processus se répandent. Le tableau 6 est basé sur une analyse américaine, ce qui empêche de le corréler entièrement aux estimations canadiennes[85]. En même temps, ces chiffres soulignent la nécessité d’analyser la question plus à fond au Canada pour être en mesure de prendre des décisions stratégiques en connaissance de cause aujourd’hui et demain. Le gouvernement canadien commence à étudier les effets cumulatifs sur l’eau de la croissance future du secteur, mais on en ignore encore l’essentiel.

TABLEAU 6

Tableau 6 : Utilisation de l'eau dans les bioraffineries selon le type de carburant

Principales utilisations de l’eau

Adaptation au changement climatique

Les phénomènes climatiques extrêmes tels que les sécheresses devraient se multiplier à cause du changement climatique et varieront considérablement d’une région à l’autre. Le risque de sécheresses a poussé le secteur agricole à se doter d’une stratégie plus élaborée d’adaptation aux changements climatiques, allant plus loin dans ce sens que les autres secteurs des ressources naturelles. Les producteurs sont portés à s’attaquer à la problématique du temps et des précipitations en usant des traditionnelles méthodes d’adaptation à court terme. Mais il faudra intervenir de manière plus concertée en raison du caractère inéluctable du changement climatique dans les régions et de leurs conséquences pour la variabilité des régimes climatiques régionaux[87].

Les agriculteurs de bon nombre de régions canadiennes connaissent fort bien les risques de manquer d’eau. La sécheresse prolongée des années 1930 a façonné chez les Canadiens une culture des risques associés à l’eau. Encore en 2009, la concurrence pour de maigres ressources en eau a forcé les gouvernements à en restreindre l’utilisation à des fins agricoles en Colombie- Britannique, où les fermiers de la rivière Nicola ont été contraints d’en limiter leur utilisation pour tenter de maintenir l’eau à des niveaux propices au frai du saumon[88]. L’eau sème des conflits dans des régions telles que la vallée de l’Okanagan, en Colombie-Britannique (entre les fruiticulteurs et les utilisateurs résidentiels) et en Ontario (entre différents producteurs agricoles). Dans le bassin de la rivière Saskatchewan Sud, où les allocations d’eau dépassent les normes écologiques de débit dans une bonne partie du bassin[89] et où l’agriculture accapare environ 75 % de l’eau attribuée (2006)[90], les gestionnaires de l’eau seront peut-être forcés de prendre de dures décisions sur l’utilisation future de l’eau. Dans le Sud-Ouest de l’Ontario, des mécanismes de gouvernance tels que l’Irrigation Advisory Committee ont été mis en place afin d’éviter et de résoudre de tels conflits[91].

Comme les terres agricoles servent de plus en plus à obtenir des cultures à valeur ajoutée, il y a fort à parier que la demande d’eau augmentera et qu’on se disputera davantage de rares ressources en eau. Tout semble indiquer que les provinces des Prairies, connaîtront de longues sécheresses. Les pressions qui s’accumulent sur l’approvisionnement en eau, y compris l’attribution d’eau à des fins écosystémiques et l’accroissement démographique, pourraient provoquer une crise autour de la quantité et de la qualité de l’eau qui aura des répercussions profondes sur le secteur[92]. Aux risques associés au réchauffement et à l’assèchement du climat devraient s’ajouter, selon les modèles du climat mondial, une augmentation de la variabilité climatique caractérisée par la multiplication de grandes sécheresses et de phénomènes climatiques extrêmes tels que la grêle et les inondations, qui auront des effets sur le rendement des cultures et feront augmenter les écoulements de surface, nuisant ainsi à la qualité de l’eau.

En général, l’aggravation des conditions de sécheresse pourrait faire augmenter l’irrigation des terres agricoles, ce qui risque d’avoir un impact sur la quantité de l’eau (les niveaux des eaux de surface et souterraines) et sur sa qualité (l’érosion s’accentuant et les sols érodés s’écoulant). Dans les régions plus chaudes, l’eau pourrait aussi s’évaporer davantage suivant la technique d’irrigation utilisée. Dans certaines régions, les impacts du changement climatique et les utilisations rivales de l’eau pourraient causer des problèmes de disponibilité, voire de rareté, de la ressource. La menace que cela fait planer sur la viabilité à long termes des terres et sur l’intégrité des écosystèmes est l’un des grands défis de ces régions. L’utilisation accrue de l’eau par le secteur s’est historiquement traduite par l’épuisement direct et indirect des zones humides, ce qui nuit à la disponibilité et à la qualité de l’eau pour les générations futures[93].

Impacts sur la qualité de l’eau et les écosystèmes

Au chapitre des impacts sur l’environnement, il y a un risque omniprésent de contamination par la sédimentation, les pathogènes, les pesticides et les charges en éléments nutritifs. Dans certaines régions du Canada, le problème s’est aggravé au point de nuire à la disponibilité d’eau propre à d’autres fins. C’est le cas, par exemple, des collectivités de l’Île-du-Prince-Édouard qui tirent leur eau potable d’aquifères[94] et du lac Winnipeg, dont les services écosystémiques ont été fragilisés. Les fermiers réagissent en se tournant de plus en plus vers des pratiques de protection des eaux, comme faire pousser des bandes tampons de végétation autour des cours d’eau et des terres humides[95].

Leviers, défis et possibilités

En agriculture, l’économie d’eau dépend surtout des coûts de l’énergie requise pour transporter l’eau. La plupart des exploitations ne mesurent pas l’eau qu’elles utilisent, les syndicats d’arrosants étant l’exception. En 2002-2003, Agriculture et Agroalimentaire Canada et le Programme national d’approvisionnement en eau ont réalisé une enquête exhaustive sur les problèmes d’approvisionnement en eau et de gestion de l’eau dans le secteur de l’agriculture au Canada. L’étude conclut que les ressources agricoles du Canada sont hautement vulnérables et que l’infrastructure d’eau est insuffisante. En pareille situation, l’effort consiste souvent à tenter d’accroitre la capacité d’irrigation et de stockage. Dans bien des régions du pays, des infrastructures, la gestion des terres et la biotechnologie permettraient d’améliorer l’utilisation de l’eau pour réduire cette vulnérabilité. L’étude semble indiquer que les lacunes dans les pratiques actuelles s’expliquent par le fait qu’on offre peu de recours aux producteurs en matière de formation d’extension et d’aide technique, une situation qui laisse entrevoir d’importantes possibilités. Améliorer les techniques et les calendriers d’irrigation et varier les lieux d’exploitation de certaines cultures en fonction du climat local, voilà, en bref, ce qui devrait faire partie de la solution future[96].

Dans les régions où l’on ne cultive que pour la production de biocarburants, la demande d’eau douce pourrait être réduite en irrigant les terres avec des eaux usées ou modérément salines[97]. L’amélioration et le développement commercial des technologies de production d’éthanol cellulosique laissent entrevoir la possibilité de produire et de cultiver des matières organiques moins hydrophages et d’utiliser ainsi moins d’eau pour irriguer. Au fil du temps, des économies d’eau ont été réalisées du côté de la production d’éthanol en recyclant mieux et en améliorant les systèmes de refroidissement[98]. Il y a d’autres moyens d’améliorer la conception des tours de refroidissement et les générateurs de vapeur et d’incorporer l’utilisation d’eaux usées recyclées dans les bioraffineries[99].

L’amélioration des mécanismes du marché (comme la tarification de l’eau et la création d’un marché de l’eau dans le Sud de l’Alberta) dans le but de mieux attribuer l’eau aux usagers, d’une part, et d’offrir de meilleurs services sociaux et écologiques dans le cadre de la gestion intégrée des terres, d’autre part, a été saluée parce qu’il s’agit d’une avenue prometteuse pour utiliser l’eau à meilleur escient. Les décisions de gestion des terres, qui sont bonnes pour les étendues d’eau locales et qui permettent de faire une meilleure utilisation des eaux, ont leur place dans la gestion prévisionnelle intégrée des bassins versants. Il est possible de recourir aux mécanismes du marché pour encourager la prise de telles décisions. En général, il y aurait lieu d’insister davantage sur le rôle que peut jouer l’agriculture pour assurer la santé des écosystèmes à l’échelle des bassins versants[100].

En résumé

Les problèmes d’eau en agriculture sont éminemment locaux, mais d’une grande importance économique nationale. Les risques associés à la disponibilité limitée de l’eau continueront d’augmenter au fur et à mesure que les besoins en eau d’irrigation du secteur s’accentueront sous l’effet de la demande de cultures de plus grande valeur et des efforts de conversion des fermes sans irrigation. Le secteur est à risque parce que le changement climatique à pour effet de réduire les ruissellements du printemps et de prolonger les sécheresses cycliques. Si le public continue à scruter de plus en plus à la loupe la question de l’irrigation dans les régions sous stress hydrique, le secteur de l’agriculture sera peut-être forcé de défendre l’eau à laquelle il a droit face à l’augmentation des besoins en eau à d’autres fins sociales et environnementales. Le secteur continuera d’être assailli de problèmes de disponibilité de l’eau et de difficultés sur le plan de la réglementation et de la réputation tant et aussi longtemps qu’il n’adoptera pas d’approche plus dynamique. Il existe d’importantes possibilités de mieux utiliser les terres agricoles pour protéger et améliorer les services écosystémiques.