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Courant de changement – Chapitre 4.2 : Secteur pétrolier et gazier

Chapitre quatre

Secteur pétrolier et gazier

Précédent – Prochain

La TRNEE a étudié l’utilisation de l’eau par le secteur pétrolier et gazier dans l’optique première de l’industrie en amont* tout en prêtant une attention particulière à la mise en valeur et à l’exploitation des formes non classiques de ces ressources. Le rapport s’attarde principalement aux activités du secteur pétrolier et gazier que sont l’extraction du pétrole par injection d’eau pour la récupération assistée des hydrocarbures (RAH); l’exploitation, tant minière qu’in situ, des sables bitumineux; et l’exploitation du gaz naturel, l’accent étant mis sur la mise en valeur du gaz de shale.

L’eau est une composante essentielle du secteur. En 2007, par exemple, les trois quarts de la production pétrolière de l’Alberta se faisaient par injection d’eau. Tous les types d’exploitation pétrolière et gazière utilisent de l’eau, mais le font de manière très variable selon les facteurs suivants : sources, volumes, procédés de production, recyclage et réutilisation, et traitement. Le secteur pétrolier et gazier utilise peu d’eau comparativement aux autres secteurs des ressources naturelles†. En 2005, en Alberta, le secteur pétrolier et gazier a reçu environ 7 % des allocations totales de la province, et dans bien des cas, les compagnies ont déclaré avoir utilisé beaucoup moins d’eau qu’on ne leur en avait attribué[46]. Ce qui distingue le plus ce secteur des autres, c’est qu’une bonne partie de l’eau servant à la production de pétrole et de gaz fait l’objet d’une utilisation que l’on pourrait qualifier de non rationnelle puisqu’elle est injectée dans les gisements de pétrole ou stockée dans des bassins de résidus et n’est pas retournée dans l’environnement.

Importance économique du secteur pétrolier et gazier pour le Canada

En 2008, le secteur de l’extraction du pétrole et du gaz a contribué pour quelque 40 milliards de dollars au PIB canadien. Bien qu’il s’agisse d’un secteur d’importance primordiale pour les provinces de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan et de Terre-Neuve-et-Labrador en mer, l’Alberta produit environ 75 % du pétrole et du gaz au Canada (figure 11). L’Alberta bénéficie de la deuxième réserve en importance au monde, qu’on estime à 1,7 billion de barils (volume en place) de bitume, quantité récupérable à hauteur d’environ 11 %[47]. En chiffres absolus, selon le Canadian Energy Research Institute (CERI), le Canada a produit 2,7 millions de barils par jour (Mbj) de pétrole en 2008. De cette quantité 2,4 Mbj provenaient de l’Ouest canadien, dont 1,2 Mbj des sables bitumineux. La production provenant des sables bitumineux pourrait s’élever à 1,7 Mbj en 2015 et à 4,5 Mbj en 2030.

La récession mondiale récente a fait baisser la demande de pétrole et les prix actuels de celuici sous le cours moyen des dernières années. De plus, le ralentissement économique a nui à la capacité des compagnies d’obtenir du capital d’investissement[48]. Chez nous, la récession a freiné l’expansion de l’exploitation des sables bitumineux, de nombreux projets étant mis en veilleuse. À moyen terme, le secteur pétrolier et gazier devrait connaître une croissance modérée et une croissance nettement plus vigoureuse à plus longue échéance à l’échelle provinciale. La croissance est surtout concentrée en Alberta, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique.

Production de pétrole

La production canadienne de pétrole devrait tendre de plus en plus vers la fabrication de pétrole non classique à partir des sables bitumineux au cours des années à venir. C’est ce qu’indiquent les prévisions qui annoncent également un déclin de la production de pétrole classique. Le tableau 4 montre trois prévisions de production de pétrole à moyen terme, allant toutes dans le sens d’une baisse de plus de 10 % de la production de pétrole classique et d’une hausse d’au moins 50 % de la production de pétrole des sables bitumineux au cours des cinq prochaines années.

Selon l’Office national de l’énergie, la production de pétrole connaîtra une croissance modeste à moyen terme dans le cas du scénario de référence et de plus fortes hausses sur un horizon plus lointain. Le scénario du prix bas ne prévoit qu’une très faible croissance à moyen et à long terme, alors que le scénario du prix élevé prévoit une plus forte croissance sur les deux horizons[49]. Selon une analyse provinciale, c’est l’Alberta qui contribue le plus à faire augmenter la production de pétrole, les Territoires du Nord-Ouest et le Canada atlantique y contribuant modestement dans le scénario de référence à plus long terme et celui du prix élevé. Dans l’ensemble, ces prévisions concordent avec celles de l’Association canadienne des producteurs pétroliers (ACPP)[50].

FIGURE 11

Figure 11 : Réserves de sables bitumineux et réserves potentielles de gaz de shale

TABLEAU 4

Tableau 4 : Croissance de la production de pétrole, 2008-2013

Production de gaz naturel

Des deux tiers actuels, la production de gaz naturel ne devrait plus représenter en 2020 que le tiers de la production canadienne à cause d’une baisse des réserves. L’augmentation de la demande de gaz naturel au pays et dans le monde conduira très probablement à l’exploitation future de gaz naturels non classiques[53]. Les gaz non classiques comprennent le méthane de houille (une forme de gaz naturel noyé dans les gisements houillers), le gaz de formation étanche (le gaz naturel des formations de faible perméabilité, habituellement de grès) et le gaz de shale (le gaz naturel captif de gisements de schistes organiques relativement peu perméables). On estime que le gaz de shale et le gaz de formation étanche du Canada et des États-Unis pourraient alimenter jusqu’au tiers de la production nord-américaine en 2020. Les estimations pour le gaz de shale dans l’Ouest canadien varient considérablement, allant de 86 à plus de 1000 billions de pieds cubes (Bpc)[54]. Bien que le potentiel soit gigantesque en Colombie-Britannique et qu’il y ait des gisements à quelques endroits ailleurs au pays (en Alberta, en Saskatchewan et au Québec) (figure 11), la production de gaz de shale en est à ses premiers balbutiements et son développement commercial ne se fera pas tout de suite en raison des cours du marché et de difficultés techniques[55].

Principales utilisations de l’eau

L’eau sert à toutes les formes d’exploitation et dans toutes les installations pétrolières et gazières. Mais les types d’utilisation d’eau, les volumes requis et les sources d’eau varient tous beaucoup à l’intérieur du secteur. Les recherches de la TRNEE ont porté sur les sous-secteurs suivants : les sables bitumineux, le gaz de shale et la récupération assistée des hydrocarbures.

Exploitation minière et in situ des sables bitumineux

Il y a deux méthodes d’extraction des sables bitumineux : l’exploitation minière et la récupération in situ. On a recours aux techniques d’exploitation minière lorsque les sables bitumineux sont proches de la surface et aux techniques in situ lorsque les gisements sont plus profonds. À l’heure actuelle, 20 % de la totalité des réserves récupérables de sables bitumineux de l’Alberta sont réputées exploitables. L’accès aux 80 % restants nécessitent l’emploi de techniques in situ. En 2007, l’Alberta a produit environ 55 % de son pétrole à partir des sables bitumineux exploitables et 45 %, en l’extrayant in situ. Ces proportions devraient changer avec la place grandissante que prendra à l’avenir l’extraction in situ du pétrole des gisements plus profonds de sables bitumineux.

Exploitation minière des sables bitumineux

L’utilisation de l’eau dans une mine de sables bitumineux est un procédé technique complexe. Simplement dit, l’utilisation de l’eau pour l’exploitation de sables bitumineux ressemble à l’utilisation de l’eau pour l’exploitation des mines de métaux et peut se diviser en trois catégories : l’eau d’exhaure et l’apport d’eau souterrain, l’eau de procédé (comprend l’eau de recyclage et l’eau d’appoint) et l’eau des bassins de résidus. Comme on le fait pour d’autres installations minières, il faut gérer l’eau d’exhaure et l’eau souterraine qui coulent dans les mines pour éviter qu’elles ne contaminent les écosystèmes environnants. L’une des grandes différences des mines de sables bitumineux, c’est que la politique en vigueur de « rejet zéro » interdit le renvoi d’eau dans les plans d’eau de surface; l’eau est soit traitée et recyclée ou réutilisée, soit retenue dans des bassins de décantation à long terme des résidus. Certaines installations réinjectent l’eau de procédé dans des formations géologiques profondes. Il s’agit là d’une méthode d’élimination acceptable. Pour le reste de cette section, concentrons-nous sur l’eau de procédé et l’eau des bassins de résidus.

L’« eau de procédé » joue un rôle crucial dans le procédé de séparation, étant essentielle pour séparer le bitume (pétrole lourd) du sable. L’eau de procédé est un mélange d’eau d’appoint, tant de sources d’eau superficielle que souterraine, et d’eau recyclée provenant des bassins de résidus. On pense souvent à tort qu’on n’utilise que l’eau de surface ou souterraine pour répondre aux besoins. En fait, une part substantielle de l’eau de procédé est de l’eau recyclée. Par exemple, l’eau recyclée provenant des bassins de résidus d’une mine parvenue à maturité peut représenter environ 80 % de l’eau de procédé de celle-ci. L’exploitation à ciel ouvert des sables bitumineux requiert de 2,0 à 4,0 barils d’eau (net) pour produire un baril de bitume.

L’exploitation minière du bitume produit d’importants volumes de résidus liquides comprenant du sable, de l’ultrargile et des rejets de bitume mélangé à de l’eau. Ces stériles sont conservés dans des parcs de retenue à long terme appelés bassins de résidus. Bien qu’une proportion substantielle de l’eau des étangs de résidus puisse être recyclée et servir d’eau de procédé, un volume significatif d’eau contaminée demeure dans les bassins de résidus, et ce, peut-être à jamais. La gestion des résidus est un volet crucial des opérations minières de même qu’une des plus grandes préoccupations des groupes communautaires et de défense de l’environnement. C’est la raison pour laquelle l’industrie et les organismes gouvernementaux font beaucoup de recherche et d’efforts depuis le tout début de l’exploitation des sables bitumineux pour trouver le meilleur moyen de gérer les résidus. Au fil des ans, l’industrie a massivement investi dans les nouvelles technologies des résidus. Elle poursuit ses efforts pour trouver des technologies de production de « résidus secs » qui permettraient d’obtenir des résidus à teneur minimale en eau suffisamment solides pour être amalgamés à des terrains remis en état de façon durable. Les organismes de réglementation provinciaux sont au courant de ce dossier et ont récemment mis sur pied un cadre réglementaire plus complet de gestion des résidus dans le but de réduire au minimum et d’un jour éliminer le stockage à long terme des résidus liquides dans les terrains remis en état.

Exploitation in situ

L’exploitation de la plupart des gisements de sables bitumineux devra se fait par creusement de puits (in situ) et par injection d’eau dans le gisement. Les deux procédés de production les plus courants sont la stimulation cyclique par la vapeur et le drainage par gravité au moyen de vapeur et consistent dans un cas comme dans l’autre à injecter de la vapeur dans le gisement pour liquéfier le bitume et le séparer du sable de manière à pouvoir le pomper à la surface. La vapeur se condense dans le gisement et est pompée à la surface avec le bitume liquide. Cela donne ce qu’on appelle une « eau produite », qui est souvent traitée et réutilisée. Trois types d’eau peuvent être utilisées pour l’exploitation in situ : de l’eau douce (de surface ou souterraine); de l’eau souterraine saumâtre ou saline; et de l’eau produite.

Produire un baril de bitume à partir de sables bitumineux peut exiger, selon les estimations, environ 0,4 à 5,5 barils d’eau[56], la moyenne étant d’un baril (net)[57]. L’utilisation d’eau varie d’une installation à l’autre selon les technologies, le recours au recyclage et l’étape de développement. Il faut davantage d’eau à l’étape du démarrage, mais moins au fur et à mesure que le projet parvient à maturité. Pour certains procédés in situ, les eaux souterraines salines remplacent en partie ou en totalité l’eau douce requise pour l’extraction. L’exploitation in situ des sables bitumineux de la région de l’Athabasaca n’exige le prélèvement d’aucune eau de la rivière du même nom. Les projets d’exploitation in situ des sables bitumineux peuvent recycler au-delà de 90 % de l’eau produite. Ainsi, pour l’eau douce seulement, il s’utilise en moyenne 0,5 baril d’eau net par baril de bitume produit. Tous les projets récents d’exploitation in situ doivent recycler au moins 90 % de leur eau produite.

En Alberta, l’Energy Resources Conservation Board (ERCB) et le ministère de l’Environnement de la province prennent des mesures afin d’améliorer la conservation et d’encourager l’utilisation efficace des sources d’eau pour les nouveaux projets in situ[58]. La nouvelle directive de l’ERCB, qui s’appuie sur les politiques de conservation de l’eau en vigueur de la province[59], exigera des exploitants d’installations in situ qu’ils restreignent dorénavant l’utilisation que fait le secteur de l’eau douce et saumâtre et qu’ils recyclent et réutilisent au maximum l’eau produite. L’eau douce ne constituera pas plus de 10 % de l’eau d’appoint alors que l’eau saumâtre souterraine ne constituera pas plus de 25 % de l’eau d’appoint (moins s’il est aussi fait usage d’eau douce). En vertu de cette directive, les exploitants seront également tenus d’améliorer leurs mesures et leurs rapports pour tous les grands cours d’eau touchés par les projets d’exploitation thermique in situ des sables bitumineux.

Gaz naturel

Le gaz de shale mérite qu’on s’y intéresse puisqu’il s’agit pour le secteur du pétrole et du gaz d’une avenue de développement unique en son genre au chapitre non seulement de l’expansion, mais également des besoins d’eau particuliers associés à ce type de production gazière. On estime à 1 500 Bpc en place les ressources en gaz de shale du Canada, le thème connu le plus important se situant à Horn River, dans le Nord-Est de la Colombie-Britannique.

Pour laisser émerger le gaz naturel emmagasiné dans le shale, il faut fissurer la roche par fracturation hydraulique (ou « fracturation »), un procédé qui consiste à injecter des fluides à très haute pression dans les puits de gaz. Les fluides de facturation pressurisés sont utilisés pour fissurer la formation souterraine afin de permettre au pétrole ou au gaz de s’échapper plus librement et d’augmenter la production. Bien que certains des fluides injectés remontent à la surface, certains restent sous terre et pourraient finir par s’infiltrer dans les aquifères souterrains. Étant donné que les fluides de facturation contiennent souvent de nombreux additifs tels que des réducteurs de friction, des biocides, des surfactants et des antitartres, leur suintement dans les eaux souterraines peut introduire des contaminants dans les aquifères.

L’exploitation du gaz de shale exige le creusement de multiples puits horizontaux pour aller fracturer les gisements de schistes afin d’en extraire le gaz naturel. Il faut des milliers de puits pour rentabiliser la production de gaz de shale, ce qui requiert l’utilisation d’importants volumes d’eau. L’eau n’étant pas retournée à sa source à court terme, son utilisation est considérée comme non respectueuse de l’environnement. Comme on commence tout juste à exploiter le gaz de shale dans le Nord de la Colombie-Britannique et au Québec, il est difficile de prévoir combien d’eau sera requise, comment elle sera gérée et les effets d’une telle exploitation sur les ressources en eau et les écosystèmes environnants.

L’eau pour la récupération assistée des hydrocarbures

La récupération assistée des hydrocarbures (RAH) consiste à augmenter la quantité de pétrole pouvant être extraite d’un gisement. La RAH sert à augmenter la productivité des puits de pétrole conventionnel, qui ne seraient autrement plus actifs, et peut faire appel à un certain nombre de techniques telles que l’injection d’eau ou les méthodes thermiques. Celles-ci consistent à injecter de l’eau ou de la vapeur (avec des solvants) dans le gisement afin d’en expulser le pétrole. Il faut, pour injecter de l’eau, avoir accès à de l’eau douce, mais cela peut aussi se faire avec de l’eau saline, de l’eau recyclée ou de l’eau produite traitée. La récupération par injection de vapeur se fait surtout avec de l’eau provenant de sources d’eau douce ou d’eau non saline, y compris l’eau recyclée. Le rendement de la RAH peut être de 15 % à 25 %, voire 30 %, supérieur à des techniques classiques de récupération du pétrole. La RAH utilise relativement peu d’eau comparativement aux autres techniques. Du total de l’eau attribuée en Alberta en 2001, le secteur de l’exploitation pétrolière et gazière en a utilisé en fait moins de 1 % pour les procédés de RAH*. Le volume d’eau douce détournée pour les besoins de l’injection diminue grandement depuis 30 ans[60].

Principaux enjeux liés à l’eau

Qualité de l’eau

Sables bitumineux

L’un des principaux problèmes auxquels l’industrie des sables bitumineux se bute au chapitre de l’eau n’est pas tant son impact sur la quantité, mais plutôt sur la qualité de celle-ci. Cette industrie recycle et réutilise beaucoup l’eau, résultat d’efforts intenses de recherche et de développement au fil des ans, et qu’elle fait récemment sous l’impulsion de directives cadres de plus en plus rigoureuses*. Des questions demeurent toutefois sans réponse sur la possibilité que l’exploitation minière et l’exploitation in situ des sables bitumineux nuisent à la qualité de l’eau dans la région. La complexité de ces questions se voit à l’effort important que déploient l’industrie et les gouvernements pour trouver des réponses. Depuis la fin des années 1990, la région des sables bitumineux de l’Athabasca fait l’objet d’intenses activités de surveillance et de recherche menées pour la plupart par la Cumulative Environmental Management Association (CEMA). La CEMA possède un certain nombre de sous-comités, comme ses groupes de travail sur les eaux de surface et la remise en état des terres. En sus de cette association, il y a le Regional Aquatics Monitoring Program (RAMP), un programme de surveillance multipartite qui évalue la santé des lacs et cours d’eau de la région. Jusqu’à maintenant, le RAMP conclut que l’exploitation des sables bitumineux n’a pas eu d’impact significatif sur la rivière Athabasca†, un avis toutefois contesté par de nombreux scientifiques, intervenants et groupes environnementaux. Par conséquent, les répercussions possibles de l’exploitation des sables bitumineux sur la qualité de l’eau dans la région de l’Athabasca demeurent l’un des sujets de préoccupation les plus importants de l’industrie des sables bitumineux.

S’ajoute aux effets sur la qualité la question connexe de la gestion des résidus. L’exploitation des sables bitumineux produit d’importants volumes de stériles. Bien qu’il soit possible de recycler et de réutiliser pour le traitement jusqu’à 80 % de l’eau des bassins de résidus, un grand volume d’eau contaminée demeure dans ces étangs. La durée de vie et les conséquences à long terme des parcs de résidus fait l’objet d’importantes recherches de la part de l’industrie et des gouvernements et demeure l’un des points de mire de leurs efforts. Ce que l’on craint le plus des bassins de résidus, ce sont les risques d’infiltration d’eau contaminée dans les écosystèmes aquatiques (en surface et sous terre), en particulier dans la rivière Athabasca. Les principaux produits toxiques présents dans les résidus, parmi lesquels figurent les acides naphténiques et les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), préoccupent beaucoup les collectivités de la région, en particulier celles qui sont situées en aval des usines d’exploitation de sables bitumineux. Les intervenants continuent à débattre vigoureusement des effets potentiels des bassins de résidus sur les écosystèmes qui se trouvent à proximité des sables bitumineux de l’Athabasca. En juillet 2009, Environnement Canada a indiqué qu’il ferait faire une étude indépendante des fuites des bassins de résidus[61].

Gaz de shale

L’exploitation du gaz de shale au Canada n’en étant qu’à ses premiers balbutiements, il est difficile de dire exactement à quels problèmes de qualité de l’eau l’industrie fera face. Mais peut-être vaudrait-il la peine de regarder ce qui se passe aux États-Unis dans les régions où l’exploitation du gaz de shale est bien développée. Le principal problème opérationnel y est la contamination possible des eaux souterraines par les fluides de fracturation et l’impact possible de ceux-ci sur les réserves d’eau potable. Le problème a été particulièrement préoccupant là où les activités de fracturation ont eu pour effet de contaminer les eaux souterraines en raison de l’infiltration des fluides de fracturation ou de la migration de gaz naturel dans les aquifères d’eau potable. Cela ne signifie pas que le Canada subira le même sort, mais que la réglementation de cette nouvelle industrie devrait comprendre, par souci de précaution, des mesures de protection pour parer à de telles éventualités. L’industrie et le gouvernement devraient chercher tout particulièrement à étudier et à comprendre l’impact que pourrait avoir le développement de l’industrie sur les eaux souterraines.

Disponibilité de l’eau

Il est cette perception voulant qu’il faille utiliser de grandes quantités d’eau pour exploiter les sables bitumineux, rendant cette utilisation non durable. Plusieurs remettent en question le volume des prélèvements d’eau autorisés en vertu des permis existants. Certes, de fortes quantités d’eau sont extraites des cours d’eau, mais il y aurait lieu de les comparer à celles prélevées d’autres réseaux fluviaux de la province. De toutes les rivières de l’Alberta, l’Athabasca est l’une de celles dont on attribue le moins d’eau et dont le débit est pourtant l’un des plus grands. L’attribution annuelle totale d’eau de la rivière Athabasca, tous usages confondus (besoins municipaux, besoins industriels et sables bitumineux), correspond à moins de 3,2 % du débit. Cela est peu comparativement à la proportion du débit attribué dans le cas d’autres rivières : 37 % pour la rivière Saskatchewan Nord; 60 % pour la rivière Oldman; et 65 % pour la rivière Bow[62]. Aucun projet existant ou approuvé d’exploitation des sables bitumineux ne prélèvera plus de 3 % du débit annuel moyen de la rivière Athabasca. Durant les périodes de faible débit, la consommation d’eau est restreinte à l’équivalent de 1,3 % du débit annuel[63]. Par conséquent, il ne semble pas d’emblée que la disponibilité fasse problème dans la région nord de l’Alberta et dans cette zone en particulier. Cela dit, les prélèvements et les usages futurs de l’eau préoccupent beaucoup les intervenants de la région des sables bitumineux, qui travaillent ensemble depuis un certain nombre d’années dans le cadre de la CEMA. Celle-ci vient tout juste de terminer une étude de trois ans et de publier un rapport détaillé sur les nombreux problèmes associés à l’exploitation des sables bitumineux, y compris les prélèvements d’eau dans la rivière Athabasca. Par suite de cette étude, le cadre de gestion de l’eau de la phase II de la CEMA a recommandé au gouvernement de l’Alberta d’interdire aux exploitants de sables bitumineux de prélever plus de 4,4 mètres cubes d’eau à la seconde, ce qui correspond à près de la moitié du taux permissible actuel de 8,0 mètres cubes à la seconde, lorsque le débit de la rivière est faible[64]. Il semble très évident à la lumière de cette recommandation que l’on s’inquiète sérieusement de l’attribution actuelle d’eau de la rivière Athabasca. Le gouvernement de l’Alberta est à étudier le rapport et ses recommandations. Compte tenu du fort potentiel de croissance des activités d’exploitation des sables bitumineux, il faudra tenir soigneusement compte des besoins futurs en eau, et ce, non seulement projet par projet, mais également sur une base cumulative pour l’ensemble du bassin versant.

La question de l’utilisation et de la disponibilité futures de l’eau pour l’exploitation du gaz de shale demeure sans réponse. Il y a d’abondantes ressources en gaz naturel, et moyennant une conjoncture économique favorable (c.-à-d. des prix du gaz plus élevés) soutenue par l’innovation et de nouvelles technologies de fracturation, la mise en valeur de cette de ressource semble prometteuse. La situation actuelle offre aux organismes de réglementation et aux décideurs l’occasion de mettre en place un cadre de développement durable des ressources. Impacts méconnus sur les sources d’eau souterraine L’une des très grandes inconnues de l’exploitation des sables bitumineux est l’effet cumulatif qu’elle pourrait avoir sur les aquifères souterrains. Il se pourrait que l’utilisation abondante d’eau souterraine par les usines d’exploitation in situ ait un effet sur le rabattement des aquifères d’eau douce ou salins peu profonds, modifie les niveaux de l’eau souterraine et permette à l’eau douce de s’infiltrer dans les vides créés par l’enlèvement du bitume[65]. À l’heure actuelle, les aquifères de la région sont mal cartographiés, d’où la profonde incertitude quant à l’impact potentiel de l’utilisation de l’eau à ce chapitre. Les gouvernements provinciaux et fédéral ont pris acte de cette lacune et sont à cartographier certains des plus importants aquifères de la région.

Leviers, défis et possibilités

Acceptation publique

L’abondance relative des réserves d’eau et le faible coût de l’eau ont traditionnellement favorisé le développement de technologies hydrophages pour le secteur du pétrole et du gaz. Les choses sont en voie de changer, car la pression publique et les politiques gouvernementales obligent l’industrie à économiser l’eau. L’exemple le plus évident est la stratégie Water for life du gouvernement de l’Alberta, qui fixe un objectif d’économie d’eau de 30 % pour l’ensemble des activités industrielles de la province d’ici 2015.

Déploiement technologique

De nombreuses technologies permettraient au secteur de mieux utiliser l’eau et de nombreuse autres pourraient être perfectionnées pour l’y aider. La difficulté tient au fait qu’il n’y a pas de panacée et qu’il faut donc explorer de nombreuses solutions. Comme c’est un peu le cas dans les autres secteurs des ressources naturelles, les coûts d’immobilisation et les risques du passage du prototype à l’essai pilote – et encore plus à la mise en oeuvre à pleine échelle – font obstacle au plein déploiement des technologies. Il y a également le défi de la concurrence : les entreprises ne partageront pas nécessairement un avantage concurrentiel qui réduit leurs coûts.

Plusieurs technologies permettent de réduire l’utilisation de l’eau pour la récupération in situ. Certaines consistent à utiliser des solvants qui sont vaporisés et injectés dans le bitume pour liquéfier le pétrole. D’autres technologies sont en voie d’être développées pour remplacer l’injection traditionnelle de vapeur par des techniques de combustion ou de gazéification, réduisant ainsi les besoins en eau. L’on est à tester d’autres méthodes pour recycler davantage d’eau produite lors de la récupération.

La RAH se fait de plus en plus avec du dioxyde de carbone plutôt qu’avec de l’eau. On trouve des exemples notables de cette technique à Weyburn, en Saskatchewan, et à Joffre, en Alberta, où l’on injecte du CO2 dans les formations de pétrole en voie d’épuisement afin d’accroître la production et la durée de vie des champs.

En gestion des résidus, on tente actuellement en Alberta de concevoir des technologies de production de résidus secs n’utilisant pas ou peu d’eau pour l’extraction. Par exemple, Ressources naturelles Canada (CanmetÉNERGIE) travaille avec des compagnies d’exploitation minière des sables bitumineux à concevoir des technologies qui pourraient réduire la quantité d’eau dans les bassins de résidus et qui permettraient peut-être d’obtenir des résidus secs. De telles recherches – conjuguées à d’autres percées dans les méthodes de remise en état pour les résidus – donnent espoir de venir à bout d’un des principaux problèmes auxquels se bute l’industrie des sables bitumineux.

Partenariat public-privé d’innovation dans le domaine de l’eau

L’Alberta Water Research Institute et General Electric (GE) Water & Process Technologies ont uni leurs forces dans le cadre d’un accord de recherche de plusieurs millions de dollars pour se pencher sur la mise au point de techniques permettant d’améliorer le traitement et la réutilisation de l’eau dans certains procédés d’exploitation des sables bitumineux. GE et le Water Institute ainsi que les partenaires financiers de cette recherche partagent les coûts de l’investissement initial. Toute solution et tout savoir émanant du projet sera rendu accessible au public. Ces partenariats innovants sont de bons exemples de la façon dont les organismes publics et l’industrie peuvent travailler en partenariat afin de concevoir des projets qui profitent à l’environnement et à l’économie.

En résumé

Dans l’ensemble, le secteur pétrolier et gazier a beaucoup amélioré son utilisation de l’eau dans l’industrie des sables bitumineux, surtout au cours des 20 dernières années. En effet, les taux de recyclage de l’eau ont augmenté et l’intensité d’utilisation de l’eau (consommation par baril de bitume) a diminué. Mais comme les sables bitumineux sont l’une des ressources pétrolifères les plus importantes au monde, l’utilisation de l’eau continuera à faire l’objet de pressions grandissantes. En raison du potentiel d’exploitation des sables bitumineux et du gaz de shale, les besoins en eau pourraient être très grands dans les provinces de l’Alberta et de la Colombie-Britannique, d’où la nécessité de tenir compte de cette expansion potentielle. Les gouvernements et l’industrie ont des rôles importants à jouer pour déterminer les impacts des prélèvements sur les aquifères et les zones voisines et pour mettre en place des mesures qui préviendront la production d’effets à long terme ou irréversibles. D’autres recherches devront être faites pour voir à ce que non seulement l’utilisation de l’eau soit durable, mais également à ce que les écosystèmes environnants ne subissent pas de dommages irréparables.

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* La production en aval du secteur pétrolier et gazier est un volet important de l’économie canadienne, mais elle ne fait toutefois par partie du champ d’étude de la présente recherche.

† On ne sait pas combien d’eau utilise le secteur pétrolier et gazier à l’échelle nationale puisque l’Enquête sur l’eau dans les industries de Statistique Canada n’a jamais recueilli de données à ce sujet.

* Une description détaillée de l’utilisation de l’eau en récupération assistée des hydrocarbures vous est présentée dans Water Use for Injection Purposes in Alberta. Geowa Information Technologies Ltd. Mars, 2003.

* L’organisme de réglementation des sables bitumineux, l’Alberta Energy Resources Conservation Board (ERCB), doit être satisfait des plans d’utilisation et d’élimination de l’eau que lui présente l’exploitant. Les règlements provinciaux exigent des exploitants qu’ils réduisent au minimum leur utilisation d’eau douce d’appoint et leur élimination d’eaux usées et qu’ils recyclent au maximum l’eau produite.

† L’information et les rapports techniques du RAMP peuvent être consultés sur le site Web de celui-ci à : http://www.ramp-alberta.org/RAMP. aspx.