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Chapitre 6 : D’ici 2020 – Conclusions et recommandations

État de la situation : la lutte contre le changement climatique au Canada

 

 

Le Canada doit prendre une décision en ce qui concerne l’atteinte de sa cible de 2020 en matière de réduction des gaz à effet de serre. L’analyse originale et complète de la TRN montre qu’il existe un grand écart entre l’évolution des émissions au Canada et la cible du gouvernement fédéral, qui correspond à une réduction de 17 % des niveaux de 2005 d’ici 2020. En outre, les résultats de l’analyse montrent que le coût de l’atteinte de la cible des politiques climatiques canadiennes est élevé compte tenu du court échéancier, de l’absence de coordination des initiatives des gouvernements et de la croissance des émissions associées à certaines activités économiques. Plus le temps passe, plus il devient difficile d’atteindre les buts des politiques climatiques du Canada.

Le présent chapitre énonce les principales conclusions de l’évaluation qualitative des plans provinciaux et de l’analyse de modélisation originale des mesures provinciales et fédérales de réduction des émissions. Il fournit des conseils et des recommandations sur les mesures que les gouvernements du Canada devraient prendre pour mettre en place un plan réaliste et exécutable permettant d’atteindre la cible fixée pour 2020.

6.1 Où en sommes nous?

Évaluation de l’écart

Le Canada réalise des progrès à l’égard de sa cible pour 2020, mais les mesures existantes et proposées ne seront pas suffisantes pour lui permettre de l’atteindre.
L’analyse révèle quelques bonnes nouvelles. Le Canada a réalisé des progrès et pourra vraisemblablement atteindre près de la moitié de sa cible de 2020, en tenant compte de toutes les mesures de réduction des émissions existantes et proposées. La situation est bien meilleure que celle que projetait Environnement Canada71. Toutefois, comme l’analyse complète comprend toutes les mesures stratégiques possibles – petites et grandes – que pourraient prendre les gouvernements, la TRN peut aussi conclure que le Canada n’atteindra pas sa cible de réduction des émissions de GES de 2020 s’il ne prend pas en plus d’autres mesures d’envergure. Il faudra faire plus pour atteindre la cible, c’est inévitable.

Ce sont les politiques provinciales qui génèrent la plus grande part des réductions des émissions à ce jour.
Les mesures prises dans le cadre des politiques climatiques provinciales comptent pour près des trois quarts des réductions des émissions estimatives d’ici 2020, le quart seulement découlant des mesures fédérales existantes. Cette proportion change en 2030, où l’on prévoit que les mesures fédérales devraient compter pour environ le tiers des réductions des émissions.

Les provinces réalisent des progrès à l’égard de leurs propres cibles, mais presque toutes devront mettre en œuvre des mesures supplémentaires pour les atteindre.
En dépit des progrès globaux importants réalisés, les données actuelles indiquent que seules la Nouvelle Écosse et la Saskatchewans sont susceptibles d’atteindre leurs cibles, l’Ontario y arrivant presque. Les progrès réalisés par les provinces à l’égard de leurs cibles de réduction des émissions respectives expliquent en partie la raison pour laquelle les progrès globaux à l’échelle du pays sont insuffisants. Comme les écarts provinciaux contribuent à l’écart national, il devient de plus en plus nécessaire d’assurer une meilleure coordination des mesures de réduction des émissions mises en œuvre aux deux paliers de gouvernement, puisque les efforts des deux paliers ont contribué aux progrès réalisés à ce jour et qu’il sera nécessaire de faire plus.

Le Canada n’atteindra pas sa cible de réduction des émissions de GES de 2020 s’il ne prend pas en plus d’autres mesures d’envergure. Il faudra faire plus pour atteindre la cible, c’est inévitable.

Certaines futures mesures proposées pourraient permettre de combler une partie de l’écart entre les cibles fédérale et provinciales.
Le gouvernement fédéral a manifesté son intention d’élaborer des mesures de réglementation visant à réduire les émissions du secteur pétrolier et gazier en croissance dans le cadre de son approche de réglementation sectorielle et a entrepris un processus de consultation auprès de l’industrie. Comme l’indique l’analyse de la TRN, ce secteur présente d’importantes possibilités de réduction des émissions, soit par le ralentissement de la croissance, soit par la mise en place de mesures de réduction absolue à une date ultérieure. De fait, l’analyse de l’efficience montre que ce secteur présente des possibilités de réduction à coût faible, moyen et élevé qui pourraient être mises en œuvre au cours des huit prochaines années. Comme il n’existe pas d’information publique à propos de cette éventuelle mesure du gouvernement fédéral, il est impossible d’en évaluer l’efficacité pour la réduction des émissions du secteur d’ici 2020. Tout dépendra de la date d’entrée en vigueur et du caractère rigoureux de la réglementation. Au moment de la rédaction du présent document en 2012, aucun autre secteur n’avait été formellement désigné pour faire l’objet d’une réglementation fédérale; il n’est donc encore une fois pas possible de prévoir un meilleur résultat que celui qui est modélisé ici ni d’affirmer avec certitude que le Canada atteindra sa cible de 2020 si d’autres mesures sont mises en place.

Certaines provinces ont souligné qu’elles pourraient mettre en place d’autres mesures sous peu. En 2013, le Québec instaurera une nouvelle génération de politiques climatiques; le Manitoba et le Nouveau Brunswick lui emboîteront peut-être le pas. Ces mesures à elles seules ne permettront toutefois pas de combler l’écart national, quelle que soit leur utilité à l’échelle provinciale et à long terme.

Élimination de l’écart

La fragmentation des approches nationale et provinciales a donné lieu à des chevauchements limités jusqu’ici, mais posera vraisemblablement davantage de problèmes dans l’avenir.
Les modifications de la politique fédérale – qui s’est éloignée du protocole de Kyoto pour aller vers un programme de plafonnement et d’échange d’émissions à l’intention des émetteurs industriels appelé Prendre le virage, puis vers l’Accord de Copenhague et l’harmonisation aux politiques des États Unis et enfin vers l’approche de réglementation sectorielle actuelle – ont instauré un climat d’incertitude dans les provinces quant au cadre stratégique national dans lequel doivent s’inscrire leurs propres stratégies. Pour répondre à leurs besoins perçus et profiter des occasions de mettre en œuvre des mesures, les provinces ont toutes élaboré des plans et des buts indépendants en matière de politique climatique. Les provinces de l’Atlantique ont établi leurs cibles en concertation, et l’Ontario, le Québec, la Colombie Britannique et le Manitoba ont coordonné leurs interventions dans le cadre de la Western Climate Initiative. Les décisions récentes du gouvernement fédéral de tenir compte des mesures provinciales dans des accords d’équivalence sur la réglementation de la production d’électricité par alimentation au charbon72 constituent un autre exemple de coordination, même si celle ci s’est faite après coup.

Cette approche fragmentée d’interventions isolées posera t elle problème? La TRN conclut que si ce n’est pas encore le cas à l’heure actuelle, la situation changera dans les années à venir. L’analyse montre un dédoublement et un chevauchement jusqu’ici limités des mesures de réduction des émissions fédérales et provinciales-territoriales. En 2020, les dédoublements et chevauchements représenteront environ 10 Mt éq-CO2. Par la suite, on s’attend toutefois à ce qu’ils représentent plutôt 41 Mt éq-CO2 en 2030. La mise en œuvre des mêmes mesures de réduction des émissions aux deux paliers de gouvernement est à la fois inefficiente et inefficace; le Canada réalisera de moins grandes réductions à un coût probablement plus élevé.

Le coût des politiques supplémentaires nécessaires pour combler l’écart sera en moyenne plus élevé que celui des politiques mises en place à ce jour.
L’analyse montre que la moitié des réductions des émissions à ce jour provenant des mesures existantes et proposées se trouvent dans la fourchette des coûts faibles (50 $ la tonne ou moins), alors que l’atteinte de la cible de 2020 exigera la mise en œuvre d’un plus grand nombre de mesures de réduction des émissions des fourchettes à coût moyen et élevé. Il est clair que parce le Canada n’a pas établi une approche nationale coordonnée touchant tous les secteurs de l’économie dans le cadre de sa politique climatique, les gouvernements se sont d’abord principalement concentrés sur les mesures de réduction les moins coûteuses. À mesure que ces mesures s’épuisent, il faudra mettre en place des mesures de réduction des émissions à coût élevé pour atteindre la cible de 2020.

L’analyse de la TRN pour Environnement Canada renforce la conclusion principale de l’ensemble des travaux de la TRN et de beaucoup d’autres sources indépendantes : les délais coûtent cher. En d’autres mots, le temps c’est de l’argent. Plus on approche de la date cible, plus les prix des émissions de carbone nécessaires pour stimuler les investissements dans la rotation des capitaux propres et la mise au point et le déploiement de nouvelles technologies ou pour inciter les entreprises et les ménages à changer leurs comportements en matière de consommation de l’énergie augmentent. C’est la conclusion du rapport de la TRN intitulé D’ici 2050, rédigé en 2008 à l’intention du ministre de l’Environnement, ainsi que de son rapport de 2010 intitulé Objectif 2050 : Politique de prix pour le carbone pour le Canada. Les prix du carbone élevés projetés et les conséquences économiques qui en découlent ont joué un rôle important dans la décision du gouvernement fédéral d’abandonner la cible fixée pour le Canada dans le cadre du Protocole de Kyoto et d’annoncer par la suite son retrait du traité. Aujourd’hui, plusieurs années plus tard, les prix élevés des émissions de carbone nécessaires pour atteindre en 2020 une cible plus modeste mais tout de même exigeante pourraient encore une fois décourager les gouvernements de prendre des mesures efficaces.

D’autres mécanismes de consultation sont nécessaires
Le seul organe officiel de collaboration intergouvernementale en matière d’environnement est le Conseil canadien des ministres de l’environnement (CCME); d’autres forums intergouvernementaux similaires s’occupant de questions relatives à l’énergie et au transport pourraient aussi être des tribunes utiles pour discuter des volets de la politique climatique propres à ces secteurs. Fondé sur un processus consensuel, le CCME a réalisé des travaux utiles sur des questions techniques et réglementaires comme la gestion des déchets et des eaux usées (et peut être aussi sur la qualité de l’air, sujet actuellement à l’étude), mais n’a pas récemment servi de cadre pour discuter de la politique climatique ou de questions connexes plus vastes. Les participants au dialogue sur les politiques climatiques canadiennes organisé par la TRN ont conclut qu’à ce jour, il n’existe aucun engagement fédéral, provincial ou territorial efficace pour l’élaboration et la mise en œuvre de politiques climatiques pancanadiennes. On a notamment soulevé des préoccupations quant au fait que le CCME n’est peut être pas l’instrument idéal pour jouer ce rôle, en partie à cause de la possibilité du « piège des décisions conjointes » en vertu duquel la collaboration et le consensus mènent vers les résultats correspondant au plus petit dénominateur commun. Les gouvernements provinciaux s’inquiètent de l’absence de coordination fédérale provinciale compte tenu de l’approche fédérale de réglementation sectorielle en matière de réduction des émissions. Deux préoccupations ont été soulevées : premièrement, que la réglementation sectorielle puisse avoir des répercussions sur les politiques provinciales en matière d’énergie et de climat déjà en place ou en voie de l’être et sur les services publics d’électricité réglementés, et deuxièmement, que l’absence d’un forum ou d’un mécanisme intergouvernemental signifie que d’autres politiques plus efficaces, par exemple la tarification du carbone, n’ont pas explorées ou ont été écartées. Les accords d’équivalence bilatéraux entre le gouvernement fédéral et les gouvernements de la Nouvelle Écosse, de la Colombie Britannique et de la Saskatchewan, même s’ils ne sont pas détaillés, pourraient répondre à certaines des préoccupations en matière de coordination des politiques.

Les gouvernements provinciaux ont aussi manifesté leur désir de voir des politiques fédérales et, par extension, nationales offrant une plus grande certitude. Les changements antérieurs dans la politique fédérale, de Kyoto à Prendre le virage puis à Copenhague, ont créé un vide stratégique que les provinces ont comblé dans la mesure de leurs pouvoirs. Le fait que les ressources naturelles sont de compétences provinciales et que les provinces ont le droit d’en déterminer l’exploitation et d’obtenir des redevances de cette exploitation vient compliquer l’instauration d’une approche nationale cohérente. Les contextes de la production d’énergie et d’émissions diffèrent tellement d’un océan à l’autre que les cibles, les échéanciers et les mesures de réduction des émissions des politiques climatiques dépendent de l’économie autant politique qu’énergétique du Canada. En réduisant les émissions dans toutes les provinces sauf en Alberta, par exemple, à cause de la contribution croissante du secteur pétrolier et gazier à la hausse des émissions prévues, le Canada ne réussira pas à atteindre la cible fixée. Les mesures que les provinces prennent de leur propre chef ont donc leur importance. La façon dont le gouvernement fédéral comble l’écart en prenant lui aussi des mesures ou en essayant de coordonner d’une façon quelconque les politiques climatiques à l’échelle du pays a aussi manifestement son importance.

Tous les gouvernements doivent participer pour que la cible de 2020 puisse être atteinte.
L’analyse de la TRN montre que pour que le Canada atteigne sa cible de 2020 avec le plus d’efficience possible, tous les gouvernements, toutes les provinces et tous les secteurs d’activité doivent contribuer. Pris individuellement, aucun secteur ni province ne peut combler l’écart. C’est pourquoi il est primordial que les gouvernements collaborent entre eux et coordonnent leurs mesures. Selon les résultats de l’analyse, c’est le secteur pétrolier et gazier qui devra offrir la contribution la plus importante, près de la moitié des mesures efficientes de réduction des émissions d’ici 2020 provenant de ce secteur uniquement; c’est donc de l’Alberta que doivent provenir les réductions des émissions les plus importantes. Les réductions réalisées dans ce secteur par l’Alberta ne permettront toutefois pas à elles seules d’atteindre la cible. D’autres secteurs, notamment ceux de la production d’électricité, de la fabrication, du transport, du bâtiment et de la gestion des déchets devront aussi réduire leurs émissions. Cela signifie que toutes les autres provinces, particulièrement l’Ontario, la Colombie Britannique, la Saskatchewan et le Québec, devront contribuer et réduire davantage leurs émissions.

6.2 Quelles sont les prochaines étapes?

Éléments clés

Pour atteindre la cible de 2020, le Canada doit faire un choix, qui incombe principalement au gouvernement fédéral : soit chacun fait cavalier seul, soit tous travaillent de concert. Autrement dit, on maintient le statu quo ou on réglemente. Il n’est pas nécessaire que le gouvernement fédéral modifie les fondements de son approche de réglementation sectorielle actuelle, mais il devra l’étoffer. Pour pouvoir atteindre sa cible de 2020, le Canada devra intégrer à sa politique actuelle une approche fédérale, provinciale et territoriale mieux coordonnée afin de stimuler les réductions supplémentaires à l’approche de l’échéance. Il faut déterminer les stratégies à adopter pour y arriver dans le cadre d’un processus davantage axé sur la collaboration avec les provinces afin de discuter plus tôt et plus régulièrement des façons d’éviter les dédoublements et les chevauchements qui coûtent cher, d’arriver à réduire les émissions de manière plus efficace et économique et de mettre en place d’autres outils, notamment la tarification du carbone, à utiliser conjointement avec les politiques actuelles et futures du gouvernement fédéral, d’une province ou d’un groupe de provinces en vertu d’un cadre d’équivalences ou de protocoles d’entente.

Il n’est pas nécessaire que le gouvernement fédéral modifie les fondements de son approche de réglementation sectorielle actuelle, mais il devra l’étoffer.

Jetons un coup d’œil à chacun des points clés à prendre en considération dans l’élaboration des politiques supplémentaires.

Échéancier – La cible de 2020 est dans huit ans. C’est une longue période sur le plan politique (deux législatures complètes), mais une courte période en ce qui a trait aux cycles d’investissements et d’innovation, la rotation des capitaux propres pouvant se faire sur des décennies. Plus tôt les signaux relatifs à la réglementation et au marché sont lancés, plus tôt les capitaux propres peuvent être orientés vers des technologies à faibles émissions et ainsi contribuer à réduire les émissions de GES. Plus tôt les émissions commencent à diminuer, plus grande est la contribution à la limitation des émissions cumulatives dans l’atmosphère, ce qui est bon à la fois pour l’environnement et pour l’économie.

Certitude – Des chercheurs du Royaume Uni ont qualifié les bons signaux en matière de politique climatique de « durables, visibles et légaux »73. Des règles transparentes et à long terme accompagnées d’une politique rigoureuse et exécutoire sont essentielles à l’instauration d’une certitude politique dans le cadre climatique du Canada. Les provinces ont déjà souligné qu’il s’agissait d’une condition non seulement désirable mais nécessaire à leurs propres activités de planification et d’intervention (voir l’annexe 7.8).

Souplesse – Toute politique climatique efficace doit atteindre un juste équilibre entre la nécessité d’établir une certitude à long terme et la capacité à répondre à l’évolution de la situation. Comme la TRN le souligne dans son rapport intitulé Objectif 2050 : Politique de prix pour le carbone pour le Canada, les principales sources d’incertitude sont les politiques des partenaires commerciaux du Canada, les changements économiques et les effets distributifs des politiques74. L’observation des changements qui se produisent au fil du temps et le rajustement des politiques en conséquence contribueront à la réussite des politiques de l’avenir.

Prix – Vu l’écart à combler pour atteindre la cible de 2020, il devient de plus en plus pressant de trouver des moyens d’atteindre les résultats les plus intéressants sur le plan environnemental au moindre coût. L’élaboration de politiques axées sur le marché, qui tirent profit des cycles de rotation des capitaux propres et qui permettent à l’industrie et aux autres intervenants d’innover et d’investir dans des technologies efficaces au lieu de prescrire des solutions technologiques spécifiques, constitue une stratégie pour maintenir les coûts peu élevés.

Fardeau – En raison de ses interconnexions avec l’énergie, l’exploitation des ressources naturelles et l’environnement, il est impossible de cloisonner complètement la politique climatique dans un État fédéral. Les émissions ne sont jamais exclusivement fédérales ou provinciales. Pourtant, le gouvernement fédéral se trouve dans une position unique pour influer sur les mesures prises par les provinces, en intervenant ou non lui même ainsi qu’en favorisant certains instruments de politique plutôt que d’autres. Comme il a été mentionné plus haut, le profil des émissions du Canada n’est pas uniforme dans tout le pays. Les sources des émissions varient d’une province à l’autre, l’Alberta, l’Ontario et le Québec constituant les plus importants émetteurs globaux, mais l’Alberta, la Saskatchewan, le Nouveau Brunswick et la Nouvelle Écosse affichant les émissions les plus importantes par habitant. Cette répartition inégale des émissions constitue un défi de taille non seulement sur le plan de l’énergie et des émissions, mais aussi sur le plan de l’économie politique. À l’heure actuelle, des objectifs de réduction égaux dans toutes les provinces ne seraient ni équitables, ni efficaces. Pourtant, le partage du fardeau constitue l’une des caractéristiques distinctives du fédéralisme propre au Canada et convient bien à ce défi stratégique. Il est clair que sans partage du fardeau, il sera difficile de réaliser des progrès sur la question des émissions. Il existe même un risque qu’aucune mesure individuelle ne soit prise si des mesures collectives ne sont pas instaurées. Dans le même ordre d’idées, la possibilité d’un transfert fiscal associé à la réduction des émissions dans une province alors qu’une autre profiterait d’avantages financiers pourrait être perçue comme inéquitable et risquerait probablement de nuire aux progrès. Pourtant, les provinces qui bénéficient de l’exploitation d’une ressource naturelle sur leur territoire ont l’obligation de contribuer à atténuer les conséquences de cette exploitation sur l’environnement. Pour que le Canada atteigne sa cible de 2020, tous les Canadiens et Canadiennes doivent contribuer.

Collaboration – La cible du Canada pour 2020 engage tous les Canadiens et Canadiennes. Elle a été proposée devant tous les autres pays du monde. En théorie, on peut l’atteindre grâce à des mesures fédérales uniquement, ou à des mesures provinciales et territoriales uniquement. En réalité, une telle situation ne se produira jamais dans la fédération canadienne à cause de l’historique des mesures climatiques à ce jour et du partage constitutionnel des pouvoirs entre chaque palier de gouvernement en matière de ressources naturelles, d’énergie et d’environnement. Les deux paliers de gouvernement doivent participer pleinement à cause des instruments de politique dont chacun dispose et des différents profils d’émissions de carbone à l’échelle du pays. À compter de maintenant, la collaboration est essentielle, à moins que le gouvernement fédéral assume l’entière responsabilité de toutes les réductions des émissions à réaliser pour atteindre la cible de 2020. Ses instruments de réglementation peuvent être efficaces pour assurer la mise en œuvre de mesures supplémentaires de réduction des émissions, mais leur portée devra être élargie à très court terme pour inclure beaucoup d’autres secteurs.

Politique – Bien que toutes les provinces aient prévu une gamme de mesures en vertu de leurs politiques climatiques respectives, quelques stratégies clés encadrent la majorité des réductions des émissions réalisées à ce jour (p. ex., fermeture progressive des centrales électriques au charbon en Ontario, cible en matière d’énergies renouvelables légiférée en Nouvelle Écosse, taxe sur le carbone en Colombie Britannique). Les provinces ont exprimé le désir d’une plus grande souplesse stratégique de la part du gouvernement fédéral sur deux points : premièrement, sur la façon dont l’approche de réglementation est appliquée par l’entremise d’une meilleure coordination grâce à des consultations tenues à l’avance et à d’éventuels accords d’équivalence, et deuxièmement, sur la possibilité d’établir une politique nationale de tarification du carbone modeste mais concrète, qui leur permettrait de prendre des mesures plus efficientes à leur tour.

Évaluation – Pour évaluer correctement l’efficacité de la politique climatique, il est essentiel de savoir à tout moment où en est le Canada et d’établir régulièrement des prévisions pour estimer les progrès à venir. L’adaptation des mesures prévues dans les politiques en fonction des résultats d’évaluations périodiques est une simple question de bon sens. Le ministre fédéral de l’Environnement a officiellement demandé à la TRN d’effectuer ces évaluations. La présente constitue la première analyse prévisionnelle réalisée et publiée. De telles analyses devraient être réalisées périodiquement, et non sur une base exceptionnelle. Des présentations, analyses et prévisions régulières des progrès dans diverses circonstances et en fonction de différentes mesures stratégiques constituent des outils essentiels pour les décideurs.

Des mesures prises en regard de chacun de ces éléments clés constituent la meilleure garantie non seulement d’atteindre la cible de la politique climatique du Canada pour 2020 mais aussi d’assurer la mise en œuvre de mesures de réduction des émissions à long terme après 2020, qui demeure un impératif mondial afin de limiter les conséquences néfastes du changement climatique.

6.3 Recommandations de la TRN

La TRN formule les recommandations suivantes à l’intention du ministre de l’Environnement, du gouvernement du Canada et des gouvernements provinciaux et territoriaux. Elle recommande notamment que les travaux relatifs à la future politique climatique du Canada satisfaire à trois critères, que l’on appelle les « 3C » : les travaux doivent être concertés, cohérents et calculés. Concertés par l’entremise de rencontres régulières entre les ministères pour discuter spécifiquement de la politique climatique, cohérents grâce à des interventions collectives coordonnées qui renforcent mutuellement les politiques de chacune des parties et à la détermination du responsable le mieux placé pour intervenir sur une question particulière, et calculés grâce à la production de rapports d’étape et d’évaluations périodiques permettant de savoir dans quelle mesure le Canada atteint ses cibles et de faire des prévisions pour déterminer les prochaines étapes.

Elle recommande notamment que les travaux relatifs à la future politique climatique du Canada satisfassent à trois critères, que l’on appelle les « 3C » : les travaux doivent être concertés, cohérents et calculés.

Concertation

Le Canada doit mettre en place un processus de collaboration intergouvernemental plus étoffé afin de réaliser des progrès soutenus à l’égard des buts de sa politique climatique. Il faudrait organiser régulièrement des forums pour permettre aux gouvernements de travailler ensemble à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques et des mesures climatiques.

  • Pour garantir l’engagement politique permanent de tous les gouvernements, il conviendrait d’établir un forum interministériel fédéral-provincial-territorial sur la politique climatique, dirigé par les ministres de l’Environnement et auquel participeraient les ministres de l’Énergie, afin qu’ils se réunissent chaque année pour discuter des tendances et des enjeux en matière d’élaboration de la politique climatique canadienne et internationale.
  • Pour garantir l’engagement technique permanent de tous les gouvernements et le soutien des travaux des ministres, il conviendrait de mettre sur pied un groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la politique climatique, dont les membres se réuniraient chaque année pour discuter des tendances et des enjeux en matière d’élaboration de la politique climatique canadienne et internationale.
  • Pour favoriser une meilleure collaboration interprovinciale, régionale et provinciale fédérale en matière de changement climatique, le Conseil de la Fédération devrait souligner et promouvoir les réussites, les leçons apprises et les outils stratégiques des gouvernements et d’autres intervenants.

Cohérence

Le Canada doit mettre en place un processus de coordination plus solide des mesures de la politique climatique des différents gouvernements afin de déterminer la façon la plus cohérente et la plus efficiente d’atteindre les cibles. Cette initiative favorisera la certitude des politiques et les renforcera, réduira les dédoublements et les chevauchements des initiatives et permettra la mise en œuvre d’autres mesures stratégiques au fil du temps.

  • Pour accroître le degré de certitude des initiatives du Canada en matière de politique climatique, le gouvernement fédéral devrait publier un plan détaillant les secteurs visés et le calendrier de mise en œuvre des futures mesures de réglementation en vertu de son approche sectorielle, établissant un échéancier, les réductions des émissions prévues et les données sur les coûts avantages et soulignant son caractère complémentaire par rapport aux mesures fédérales, provinciales et territoriales actuelles.
  • Pour stimuler la mise en œuvre soutenue de mesures fédérales, provinciales et territoriales qui éliminent le dédoublement et le chevauchement des politiques, le gouvernement fédéral devrait établir des principes et des processus pour l’utilisation d’accords d’équivalence ou d’autres protocoles intergouvernementaux, par exemple des protocoles d’entente, fondés sur l’innovation, la souplesse et les résultats et échéanciers convenus en matière de réduction des émissions.
  • En complément de l’approche de réglementation sectorielle du gouvernement fédéral et pour garantir que les mesures de réduction des émissions les plus efficaces et les moins coûteuses sont mises en œuvre dans l’intérêt de l’économie canadienne globale, il conviendrait d’envisager la mise en place d’un régime de tarification du carbone de base auquel les gouvernements pourraient intégrer d’autres mesures, toutes les recettes ainsi recyclées étant remises à la province concernée.

Calcul

Le Canada a besoin de meilleures données sur les politiques climatiques et de meilleures prévisions qui permettent aux gouvernements d’évaluer régulièrement les progrès réalisés quant aux buts de la politique climatique. Une reddition de comptes indépendante, transparente et régulière des progrès réalisés en regard des cibles et des buts ainsi que des politiques et mesures efficaces constituent les fondements de l’élaboration d’une politique climatique robuste qui peut être adaptée en fonction de l’évolution de la situation.

  • Pour garantir l’accès à des données de qualité supérieure aux fins de l’élaboration de politiques efficaces, un groupe fédéral provincial territorial indépendant chargé des données sur les émissions et le changement climatique devrait être mis sur pied et financé équitablement et géré collectivement par tous les gouvernements, afin d’assurer des intrants réguliers et exacts aux fins de la reddition de comptes, de la modélisation et des prévisions en matière d’émissions.
  • Pour ouvrir la voie à des examens périodiques de l’évolution du climat par les ministres intergouvernementaux et le Parlement, Environnement Canada devrait intégrer une composante de prévisions régulières fondées sur les résultats de ses propres projections ou de celles de groupes intergouvernementaux indépendants de recherche sur le climat dans son rapport annuel Tendances en matière d’émissions au Canada, qui présente les projections à court, moyen et long terme en vertu de divers scénarios de politique climatique.
  • Pour offrir aux citoyens, aux contribuables et aux décideurs de l’information à jour sur les progrès réalisés à l’égard des buts et objectifs de la politique climatique, une évaluation périodique et indépendante des progrès au regard des buts de tous les gouvernements devrait être faite et les résultats, publiés à l’échelle locale ou nationale.

 


[s] Des représentants du ministère de l’Environnement de la Saskatchewan ont souligné qu’à leur avis, les prévisions de la TRN sous-estiment probablement la croissance économique en Saskatchewan, et donc l’ampleur de la croissance des émissions. Cette inquiétude est peut-être fondée; les dernières tendances en Saskatchewan montrent une croissance rapide aussi bien de la population que de l’activité économique. Dans une prévision à court terme publiée récemment, RBC estimait que la Saskatchewan pourrait afficher le taux de croissance le plus élevé de toutes les provinces d’ici 2013 (Recherche économique RBC, 2012). Toutefois, la TRN ne disposait d’aucune autre hypothèse macroéconomique à long terme qui aurait pu servir à la modélisation. Les prévisions sont fondées sur des hypothèses cohérentes à propos de la croissance régionale et sectorielle de la production tirées des modèles d’Environnement Canada, eux-même fondés sur des prévisions macroéconomiques provenant d’Informetrica.

[71] Environment Canada, 2011a.

[72] NewsWire Canada 2012.

[73] Grantham Research Institute on Climate Change and the Environment 2011.

[74] Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie, 2009a.