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Notre processus aide le Canada à trouver des solutions de développement durable intégrant les considérations environnementales et économiques afin d'assurer la prospérité et le bien-être de notre nation.

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We generate ideas and provide realistic solutions to advise governments, Parliament and Canadians. We proceed with resolve and optimism to bring Canada’s economy and environment closer together.

Chapitre 4 : Cible de 2020

État de la situation : la lutte contre le changement climatique au Canada

 

Le Canada est-il en bonne voie pour atteindre sa cible de réduction des GES de 2020 par l’intermédiaire des politiques fédérales, provinciales et territoriales qui ont été adoptées ou qui sont proposées jusqu’à maintenant? S’il n’est pas en bonne voie, quels sont les progrès réalisés par le pays, quels secteurs sont responsables des réductions et quelle est l’ampleur des efforts requis pour atteindre l’objectif? La TRNEE a eu recours à un outil de modélisation pour répondre à ces questions. Notre analyse a permis d’évaluer la mesure dans laquelle les politiques fédérales, provinciales et territoriales de lutte contre les changements climatiques contribueront à l’atteinte de la cible de réduction des émissions de 2020 du Canada.

Le présent chapitre donne un aperçu de notre approche de modélisation et de ses résultats. Nous commencerons par présenter le modèle à proprement parler ainsi que les scénarios appliqués pour estimer les réductions des émissions d’ici 2020 que pourraient générer les politiques climatiques. Ensuite, nous exposerons les prévisions à l’échelle nationale et évaluerons les réductions probables dans le contexte de la cible de 2020 du gouvernement fédéral. Nous fournirons ensuite une évaluation régionale portant sur la répartition provinciale des réductions prévues et des progrès à l’égard des cibles de chaque province. Nous poursuivrons ainsi l’évaluation des plans provinciaux entamée au chapitre 3. Enfin, nous décrirons les réductions des émissions qui proviendront des politiques en vigueur et des projets de politiques du point de vue de l’impact sectoriel. Par ailleurs, pour rendre pleinement compte de la situation de la politique climatique canadienne, nous ferons également des prévisions des réductions des émissions d’ici 2030 et examinerons quel est le chemin qui reste à parcourir au Canada pour atteindre son autre cible de 2020 : production d’énergie renouvelable.

4.1 Démarche analytique

La TRNEE a appliqué le modèle CIMS pour prévoir l’incidence d’ici 2020 des politiques de lutte contre les émissions de GES. La présente section donne un aperçu de la méthodologie et de la démarche de modélisation.f

Forces du modèle CIMS

Le CIMS est un outil de modélisation économique qui permet de simuler l’évolution de l’économie canadienne selon divers régimes de politiques énergétiques et environnementales. Le modèle repose sur une représentation détaillée des technologies qui utilisent et produisent de l’énergie. Pour établir des prévisions, le modèle simule les choix que pourraient faire les entreprises et les ménages au fur et à mesure que le capital technologique sera remplacé au fil du temps. Il inclut également une représentation des rétroactions d’équilibre, pour que l’offre et la demande de biens et de services à forte consommation d’énergie s’ajustent en réaction aux politiques. Grâce à cette représentation de l’économie de l’énergie du Canada, le CIMS peut prévoir les effets des politiques et des programmes du gouvernement sur le système d’économie de l’énergie et estimer l’influence que pourraient avoir les subventions, la réglementation et les politiques axées sur les forces du marché sur la mise au point de technologie, sur les décisions des entreprises et des ménages et sur la demande relative aux produits énergétiques ainsi que sur les émissions de GES en découlant.

Le modèle couvre environ 98 % des émissions canadiennes de GES outre les émissions provenant de la déforestation et du changement d’affectation des terres. Il représente explicitement le secteur résidentiel et commercial, le secteur du transport des personnes et des marchandises, le secteur industriel, le secteur de l’approvisionnement énergétique, le secteur agricole de même que le secteur de la gestion des déchets; il couvre également certains sous-secteurs complémentaires. Le modèle présente une ventilation par province, mais regroupe les provinces de l’Atlantique. Aux fins du présent rapport, la TRNEE a réalisé une analyse supplémentaire afin de séparer les prévisions pour l’Atlantique par province. Pour ce faire, elle a utilisé les données à l’appui d’Environnement Canada et les hypothèses établies au sujet des secteurs de l’électricité de chaque province.g Par ailleurs, les émissions des territoires ne sont pas ventilées de façon explicite dans l’analyse de la modélisation, car elles sont très faibles dans l’ensemble. Ces émissions sont toutefois incluses dans les résultats à l’échelle nationale. La résolution régionale et sectorielle permet de formaliser une série de politiques provinciales, territoriales et fédérales qui s’appliquent soit à un secteur en particulier ou à l’économie dans son ensemble.

De plus, comme le modèle est intégral, il représente aussi les interactions et les chevauchements entre les différentes politiques. En représentant ces interactions, on s’assure que le modèle ne fait pas un double comptage des réductions des émissions provenant de politiques différentes.

Le CIMS est un outil de modélisation bien établi. Il a été utilisé par plusieurs gouvernements provinciaux au Canada, dont la Colombie-Britannique, l’Alberta, la Saskatchewan, l’Ontario, les Territoires du Nord-Ouest et Terre-Neuve-et-Labrador. En outre, il a été utilisé dans le cadre d’une série d’analyses d’envergure nationale par des organismes tels que Ressources naturelles Canada, l’Institut international du développement durable, et la TRNEE. D’ailleurs, le modèle a été amélioré à la suite de ces analyses. Les succès enregistrés sur le plan de l’analyse des politiques au Canada font du CIMS un modèle crédible d’analyse.

Enfin, aux fins de l’analyse du présent rapport, la TRNEE a appliqué le CIMS au moyen d’un processus de modélisation transparent et crédible. Les prévisions de référence du CIMS se fondent sur les hypothèses de croissance émises par Environnement Canada pour chaque secteur. Les prix de l’énergie proviennent quant à eux du rapport 2011 sur l’avenir énergétique de l’Office national de l’énergie69. Nous avons présenté l’analyse à des représentants d’Environnement Canada et avons noué le dialogue avec des représentants des gouvernements provinciaux et territoriaux à propos des résultats de la modélisation dans le cadre du dialogue sur les politiques climatiques canadiennes de la TRNEE. Les résultats de la modélisation ont également fait l’objet d’un examen par les pairs. La TRNEE a modifié et amélioré ses prévisions en fonction des commentaires reçus tout au long du processus de modélisation.

Limites de la modélisation économique

Toutes les prévisions du modèle sont foncièrement incertaines et ne devraient pas être considérées comme des facteurs prédictifs précis de l’avenir. Le régime canadien de l’économie de l’énergie est complexe tout comme les répercussions de la politique sur celui-ci. Pour simuler ce régime, l’analyse repose sur les hypothèses concernant le développement technologique et économique, les prix de l’énergie et les comportements des entreprises et des consommateurs. Bien que le modèle se fonde sur des sources crédibles en vue de guider les indications, les recherches – même si elles sont légions – ne peuvent prévoir exactement l’avenir de l’économie.

Néanmoins, même si les prévisions sont incertaines, la modélisation n’en demeure pas moins utile. Les prévisions peuvent fournir des orientations concernant l’incidence possible des différents instruments politiques et peuvent être très utiles pour comparer l’incidence relative des différents instruments. L’objectif final de la modélisation économique est, non pas de produire des prévisions en tant que telles, mais bien de dégager des observations et des leçons à partir des prévisions et des scénarios. Voilà la démarche entreprise par la TRNEE dans le cadre de cette analyse. Dans l’ensemble, la TRNEE n’hésite donc pas à s’appuyer sur les résultats de la modélisation présentés dans ce document. Les orientations de l’analyse de modélisation présentées aux chapitres 4 et 5 constituent un point de vue stratégique utile et important. De plus, pour nous assurer que l’analyse soit aussi pertinente que possible, nous avons fait preuve de transparence au sujet des hypothèses et des limites de l’analyse. Se reporter à l’annexe 7.2 pour plus de renseignements sur le modèle SCMI et la méthodologie appliquée dans le cadre de ce rapport.

Scénarios de définition

Les scénarios formalisés ont servi à déterminer la série de politiques fédérales, provinciales et territoriales que nous avons examinée dans le cadre de l’analyse de modélisation. Nous avons évalué les répercussions possibles de trois différentes séries de politiques :

  1. Les politiques provinciales et territoriales en vigueur sont les mesures visant à réduire les émissions de GES que les gouvernements ont prises après 2005.
  2. Les politiques fédérales en vigueur sont les mesures visant à réduire les émissions de GES que le gouvernement fédéral a prises après 2005.
  3. Les projets de politiques fédérales, provinciales et territoriales sont les mesures visant à réduire les GES qui ont été proposées par un des paliers de gouvernement et qui n’ont pas encore été mises en œuvre, mais qui devraient l’être d’ici 2020. Nous avons inclus dans cette série les politiques pour lesquelles les détails rendus publics sont suffisants pour formaliser des hypothèses quant à la nature des mesures.

Nous avons estimé la réduction supplémentaire des émissions que cette série de politiques devrait permettre d’obtenir d’ici 2020 en l’ajoutant aux scénarios séquentiels. L’écart sur le plan des GES entre les scénarios assortis d’une série de politiques et ceux qui ne l’étaient pas permet de démontrer l’impact différentiel de cette série de politiques. Pour ce faire, nous avons tout d’abord examiné un scénario sans politique selon lequel on suppose qu’aucune nouvelle mesure gouvernementale ne serait prise après 2005. Nous avons ainsi établi un point de référence clair à partir duquel évaluer l’efficacité jusqu’à maintenant et l’efficacité probable de toutes les politiques fédérales, provinciales et territoriales en vigueur et proposées.

Ensuite, nous avons ajouté à ce scénario le scénario des politiques provinciales et territoriales en vigueur pour évaluer les réductions d’émissions supplémentaires qui devraient être obtenues grâce à ces politiques. Le scénario des politiques fédérales en vigueur permet quant à lui d’estimer la réduction des émissions supplémentaire obtenue grâce aux politiques fédérales mises en œuvre depuis 2005; cette réduction vient s’ajouter à celle générée par les politiques provinciales et territoriales en vigueur. Enfin, le scénario des projets de politiques permet d’estimer les réductions d’émissions supplémentaires qui pourraient découler des politiques annoncées par tous les paliers de gouvernement (fédéral, provincial et territorial), mais qui ne sont pas encore entrées en vigueur, ni prévues au titre de la loi.

Le tableau 6 donne un aperçu des politiques fédérales, provinciales et territoriales incluses dans la modélisation. Se reporter à l’annexe 7.3 pour plus de renseignements sur les politiques particulières incluses dans l’analyse.

TABLEAU 6 : APERÇU DES POLITIQUES DE LUTTE CONTRE LES GES EN VIGUEUR ET PROPOSÉES INCLUSES DANS LE MODÈLE

La TRNEE a évalué toutes les politiques provinciales, territoriales et fédérales et a mis tout en œuvre pour inclure autant de politiques que possible dans son analyse de modélisation. Nous avons travaillé de concert avec des représentants du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux pour nous assurer que toutes les politiques de premier plan de chaque administration soient incluses dans la modélisation. Pour que la portée et la complexité de l’analyse soient gérables, la TRNEE a exclu de la modélisation certaines politiques par suite de l’évaluation qualitative. Les politiques qui ont été écartées soit 1) étaient susceptibles de réduire les émissions de moins d’une Mt d’équivalents-CO2 annuellement; soit 2) ne présentaient pas suffisamment de détails pour illustrer leur incidence probable au moyen de SCMI.h Dans le dernier cas, certaines politiques étaient toujours en cours d’élaboration par les décideurs tandis que d’autres étaient axées sur l’information ou étaient volontaires et ne se transposaient pas aisément dans le cadre du modèle SCMI. Toutefois, la TRNEE a procédé à une évaluation qualitative des mesures du gouvernement qui n’étaient pas explicitement incluses dans la modélisation afin de déterminer si elles permettraient d’obtenir des réductions des émissions supplémentaires d’ici 2020. Nous souhaitions ainsi faire une évaluation aussi complète que possible (se reporter à l’encadré 4).

Le Canada a établi une cible de réduction des émissions pour 2020 selon laquelle les émissions seront réduites de 17 % par rapport aux niveaux de 2005. Pour atteindre cette cible, le Canada doit ramener ses émissions à 607 Mt d’équivalents-CO2 d’ici 2020.

4.2 Écart sur le plan des émissions

Le Canada a établi une cible de réduction des émissions pour 2020 selon laquelle les émissions seront réduites de 17 % par rapport aux niveaux de 2005. Pour atteindre cette cible, le Canada doit ramener ses émissions à 607 Mt d’équivalents-CO2 d’ici 2020. Comme nous l’avons vu dans les chapitres précédents, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux ont tous mis en œuvre des plans d’action et des politiques climatiques afin de stimuler la réduction des émissions au Canada. Dans la présente section, on trace la trajectoire des émissions à l’échelle nationale d’ici 2020 à partir de ces mesures. On y évalue l’ampleur des progrès réalisés par le Canada pour atteindre sa cible de 2020 et l’étendue de l’écart à combler sur le plan des émissions.

Incidence des politiques provinciales et territoriales en vigueur

Afin d’évaluer l’incidence des politiques provinciales et territoriales en vigueur, on doit comparer les prévisions des émissions de GES dans le cadre des deux scénarios. L’écart entre les émissions ou la réduction entre le scénario sans politique, lequel n’inclut pas les nouvelles politiques adoptées depuis 2005, et le scénario des politiques provinciales et territoriales en vigueur correspond à l’impact de cette série de politiques. Se reporter à la figure 8 pour une représentation de la réduction prévue des émissions.

FIGURE 8: RÉDUCTION DES ÉMISSIONS PROVENANT DES POLITIQUES PROVINCIALES ET TERRITORIALES EN VIGUEUR

Comme le montre le graphique, selon le scénario sans politique, on prévoit que les émissions du Canada s’élèveraient à 828 Mt d’équivalents- CO2 en 2020. Selon cette tendance, les émissions du Canada seraient supérieures d’environ 221 Mt d’équivalents- CO2 à la cible de 2020. Toutefois, grâce aux politiques provinciales et territoriales entrées en vigueur depuis 2005, le Canada serait en bonne voie de réduire l’écart qui le sépare de la cible et parviendrait à des réductions prévues de 73 Mt d’équivalents- CO2 d’ici 2020.

Incidence des politiques fédérales en vigueur

Passons maintenant à l’incidence des politiques fédérales en vigueur. La figure 9 montre la réduction supplémentaire que les politiques fédérales en vigueur, plus particulièrement la réglementation sur les véhicules et l’électricité produite à partir du charbon, permettraient d’ajouter aux réductions provenant des politiques provinciales et territoriales en vigueur. Pour ce faire, on ajoute ces politiques aux scénarios précédents.

FIGURE 9: RÉDUCTION DES ÉMISSIONS PROVENANT DES POLITIQUES FÉDÉRALES, PROVINCIALES ET TERRITORIALES EN VIGUEUR

Comme le montre le graphique, les politiques fédérales produiront une réduction supplémentaire des émissions à hauteur de 21 Mt équivalents-CO2 d’ici 2020, soit moins du tiers des réductions provenant des politiques provinciales et territoriales. Or, si on combine la réduction des émissions découlant des politiques fédérales et des politiques provinciales et territoriales, la quantité d’émissions réduites devrait s’élever à 94 Mt d’équivalents-CO2 en 2020. Selon nos prévisions, il devrait y avoir un écart sur le plan des émissions par rapport à la cible du Canada de 125 Mt d’équivalents-CO2, si l’on tient compte seulement des politiques en vigueur.

Selon les prévisions de la TRNEE décrites précédemment, les politiques fédérales, provinciales et territoriales en vigueur permettront ensemble d’obtenir une réduction considérable des émissions, soit de 104 Mt d’équivalents-CO2 en 2020. Toutefois, même si l’on tient compte de toutes ces politiques, une réduction supplémentaire à hauteur de 117 Mt d’équivalents-CO2 sera nécessaire pour atteindre la cible de 2020.

Toutefois, les émissions ne sont pas que fédérales ou que provinciales; il existe des chevauchements entre les politiques fédérales en vigueur et les politiques provinciales et territoriales puisque les politiques viseront dans certains cas à réduire les mêmes émissions. Parmi les politiques qui pourraient se chevaucher, citons la réglementation fédérale sur l’électricité et l’initiative de retrait progressif des centrales alimentées au charbon en Ontario, ainsi que les programmes d’efficacité énergétique et les programmes de gestion axée sur la demande pour la consommation d’énergie dans les immeubles des deux paliers de gouvernement. Pour éviter une double comptabilisation des réductions, la figure 9 montre le chevauchement des efforts, lequel s’élève à environ 10 Mt d’équivalents-CO2 de réduction des émissions en 2020. Si l’on ajoute les politiques fédérales en vigueur aux politiques provinciales et territoriales, on obtient des réductions supplémentaires de 21 Mt d’équivalents-CO2. Si les politiques fédérales étaient établies de façon indépendante, elles permettraient d’obtenir des réductions de 31 Mt d’éqiuvalents-CO2 en 2020. La TRNEE a appliqué la pratique habituelle de modélisation d’Environnement Canada dans le cadre de la modélisation de ses scénarios.

Répercussions des politiques fédérales, provinciales et territoriales proposées

Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux ont tous annoncé leur intention d’aller de l’avant et d’adopter des politiques supplémentaires pour réduire les émissions. Dans le dernier scénario, on explore les répercussions possibles des projets de politiques sur les émissions de GES d’ici 2020. Nous souhaitons ainsi déterminer si ces politiques permettraient de réduire l’écart sur le plan des émissions par rapport à la cible de 2020. Bien que ces politiques ne soient pas encore entrées en vigueur au moment de rédiger le présent rapport, les gouvernements ont énoncé clairement leur intention de les appliquer et ont fourni suffisamment de renseignements pour que leur nature soit définie. La figure 10 présente la réduction supplémentaire des émissions qui pourrait provenir des projets de politiques fédérales, provinciales et territoriales.

FIGURE 10: RÉDUCTION DES ÉMISSIONS PROVENANT DES POLITIQUES FÉDÉRALES, PROVINCIALES ET TERRITORIALES EN VIGUEUR ET PROPOSÉES

Les émissions ne sont pas que fédérales ou que provinciales; il existe des chevauchements entre les politiques fédérales en vigueur et les politiques provinciales et territoriales puisque les politiques viseront dans certains cas à réduire les mêmes émissions.

Le scénario relatif aux projets de politiques permettrait d’obtenir une réduction supplémentaire de 10 Mt d’équivalents-CO2 d’ici 2020, soit environ 10 % de plus que la réduction prévue actuellement. L’exiguïté de cette réduction supplémentaire s’explique en partie par le fait que les politiques en vigueur ont déjà engendré des réductions considérables et que ces politiques constituent l’essentiel des initiatives gouvernementales à cet égard. De plus, peu des politiques proposées sont susceptibles d’avoir une incidence substantielle. Par ailleurs, la réglementation fédérale sur les émissions des véhicules lourds aura des répercussions partout au pays. La politique de plafonnement et d’échange s’inscrivant dans la Western Climate Initiative et qui sera en vigueur en Colombie-Britannique, en Ontario, au Manitoba et au Québec contribuera également à réduire les émissions, mais la rigueur du plafond sera essentiellement la même que celle de la taxe sur les émissions carboniques déjà imposée en Colombie-Britannique; la politique n’aura donc pas d’impact différentiel dans cette province. Dans l’ensemble, selon les prévisions, les projets de politiques n’auront conjointement qu’une faible incidence et ne suffiront pas à combler l’écart par rapport à la cible de 2020. Toutefois, dans le cas où les gouvernements n’adopteraient pas ces politiques, les réductions des émissions seraient encore moins importantes, comme le démontre notre analyse d’incertitude présentée ci-dessous.

L’écart à combler par rapport à la cible de 2020

Selon les prévisions de la TRNEE décrites précédemment, les politiques fédérales, provinciales et territoriales en vigueur permettront ensemble d’obtenir une réduction considérable des émissions, soit de 104 Mt d’équivalents-CO2 en 2020. Toutefois, même si l’on tient compte de toutes ces politiques, une réduction supplémentaire à hauteur de 117 Mt d’équivalents-CO2 sera nécessaire pour atteindre la cible de 2020.

L’un des principaux facteurs expliquant cet écart est l’augmentation des émissions causée en grande partie par la croissance économique canadienne, plus particulièrement dans les secteurs à taux élevé d’émission comme le pétrole et le gaz. Comme le montre la figure 10, tous les instruments de politique ont une incidence croissante au fil du temps; les portions colorées s’élargissent de plus en plus. Par conséquent, l’écart par rapport à la cible continue de diminuer jusqu’en 2015, mais recommence à s’accroître entre 2015 et 2020, soit lorsque la croissance des émissions provenant des secteurs à taux élevé d’émission commencera à être supérieure aux réductions des émissions produites par la politique. Néanmoins, les politiques en vigueur et les projets de politiques constituent la base pour atteindre l’objectif en matière d’émissions que s’est fixé le Canada pour 2020. Selon notre analyse, près de la moitié des réductions nécessaires devrait provenir des mesures gouvernementales en vigueur et proposées.

Incertitude quant à l’écart à combler

Il peut être utile d’examiner l’incertitude possible dans le cadre de notre évaluation en vue de démontrer à quel point des hypothèses différentes peuvent mener à des estimations différentes quant à l’écart à combler par rapport à la cible de 2020. Pour l’analyse de base présentée précédemment, nous avons supposé en général que les nouvelles politiques seraient mises en œuvre telles qu’elles ont été établies et que les politiques déjà en vigueur continueraient d’être appliquées. Nous nous sommes penchés tant sur un scénario optimiste que sur un scénario pessimiste en vue de mieux indiquer les variations quant à la taille de l’écart à combler.

 

POLITIQUES DU GOUVERNEMENT
EXCLUES DE LA MODÉLISATION

 

La TRN a collaboré avec des représentants des gouvernements provinciaux et territoriaux pour que son modèle économique comporte les programmes et les politiques de réduction des émissions de GES les plus significatifs. Or, bien que la modélisation tienne compte d’un grand nombre de mesures gouvernementales, chaque mesure ne pouvait être prise en considération étant donné les limitations pratiques. Comme il a été mentionné dans le rapport, les politiques exclues de la modélisation soit étaient susceptibles de réduire les émissions de moins d’une Mt d’équivalents-CO2 annuellement ou soit n’étaient pas suffisamment détaillées pour quantifier leurs répercussions éventuelles. Quelle quantité d’émissions pourrait être réduite grâce à ces nombreuses politiques à plus petite échelle qui ont été exclues de la modélisation?

La TRN a réalisé une évaluation qualitative des autres politiques provinciales, territoriales et fédérales en vue de déterminer le potentiel de réduction des émissions que les politiques exclues de la modélisation pourraient ajouter à celui des politiques comprises dans la modélisation. Nous avons analysé seulement le potentiel des politiques à contribuer à la réduction des émissions d’ici 2020. Pour ce faire, nous avons procédé aux trois tests suivants pour sélectionner les politiques :

  1. L’application de la politique est-elle volontaire ou obligatoire? Nous avons déterminé le type de chaque politique selon l’échelle suivante : complètement volontaire (programmes d’information) et totalement obligatoire (ordre et mesures de contrôle). Pour être incluse, une politique devait prendre la forme de sanctions financières ou d’un règlement, c’est-à-dire être obligatoire.
  2. Existe-t-il un chevauchement entre la politique et d’autres politiques faisant déjà partie de la modélisation? Selon notre analyse quantitative parallèle, un chevauchement important existe entre les politiques visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre au Canada. Pour chaque politique, nous avons déterminé si nous avions inclus dans la modélisation une autre politique fédérale ou provinciale qui couvre le même secteur. Pour qu’une politique soit considérée comme produisant une réduction supplémentaire, elle ne doit pas comporter de chevauchement significatif avec une autre.
  3. Est-ce que la politique vise une part significative des émissions nationales? Pour être incluse dans la modélisation, une politique doit être raisonnablement susceptible de produire une quantité supplémentaire de réduction des émissions.

Selon ces filtres, plusieurs autres politiques se sont présentées comme des sources éventuelles importantes de réduction des émissions totales canadiennes, comme le montre le tableau ci-dessous. Dans la plupart des cas, les estimations ont été calculées à partir des estimations de la limite supérieure provenant de déclarations du gouvernement qui n’ont pas été vérifiées par un tiers indépendant ou évaluées en contexte. Par conséquent, nous jugeons que ces estimations constituent une évaluation optimiste du potentiel de réduction des émissions. Au total, nous avons estimé que ces autres politiques quantifiables permettraient de produire des réductions supplémentaires à hauteur de 2,3 Mt d’équivalents-CO2 en 2020.

Politique Province Secteur Émissions
en 2020
(Mt Éq-CO2)
Réduction annuelle
maximale
(Mt Éq-CO2)
Plan provincial de transport en commun C.-B. Transport de personnes 9,1 0,4
Déplacements verts ALB. Transport de personnes 9,7 Inconnue
Pratiques agricoles durables MAN. Agriculture 7,1 0,4
Captage des biogaz d’enfouissement MAN. Déchets 0,9 0,2
Élargissement du réseau
de transport en commun
ONT. Transport de personnes 30,1 0,3
Réglementation sur les hydrocarbures QC Industrie et produits
de consommation
2,8 0,7
Accords volontaires avec l’industrie QC Fonte de métaux 8,3 0,2
Gaz d’enfouissement T.-N. Déchets 0,7 0,1
Programme d’alimentation
à quai des navires
Canada Transport de marchandises –
maritime
11,1 < 0,1
Total       2,3

* Se reporter notamment à Jaccard et Bataille 2004; Jaffe, Newell, et Stavins 1999; Khanna 2001.

Notre scénario optimiste inclut certaines autres sources possibles de réduction des émissions. Tout d’abord, comme il a été mentionné, l’analyse de modélisation comprend l’ensemble des politiques et des programmes gouvernementaux d’envergure, mais elle exclut les mesures gouvernementales qui ne devraient avoir qu’une faible incidence ou pour lesquelles les renseignements offerts n’étaient pas suffisants aux fins de la modélisation. Selon l’évaluation qualitative de la TRNEE, ces politiques pourraient réduire les émissions de 2,3 Mt d’équivalents-CO2 supplémentaires au maximum d’ici 2020 (se reporter à l’encadré 4 pour plus de renseignements sur cette analyse qualitative). Ensuite, l’analyse de base décrite précédemment ne tient pas compte des effets des investissements réalisés par la Climate Change and Emissions Management Corporation en Alberta. Comme le montre l’encadré 5, ce mécanisme pourrait produire des réductions supplémentaires pouvant aller jusqu’à 6 Mt d’équivalents-CO2 en 2020. Pour le scénario optimiste, l’écart à combler en 2020 par rapport à la cible canadienne se chiffrerait à 109 Mt d’équivalents-CO2, plutôt qu’à 117 Mt d’équivalents-CO2. Le Canada aurait alors réalisé un peu plus de 50 % des réductions nécessaires pour atteindre son objectif.

Comme il se pourrait que les projets de politiques ne soient pas menés à bien et que les politiques en vigueur soient affaiblies ou abolies, nous avons envisagé un scénario pessimiste selon lequel :

  • Aucun des projets de politiques (la Western Climate Initiative, les projets de captage et stockage du CO2 en Albertai, les projets de règlement pour le secteur industriel en Saskatchewan, et la réglementation fédérale sur les camions lourds de transport de marchandises) n’est mené à bien;
  • Les normes fédérales sur le rendement énergétique, dont l’élaboration n’est pas terminée, ne sont pas mises en œuvre;
  • Aucun autre progrès n’est accompli dans le cadre du projet de retrait progressif des centrales alimentées au charbon en Ontario; ce projet a déjà été retardé dans le passé.

Dans le cadre de ce scénario pessimiste, les réductions à l’échelle nationale s’élèveraient à environ 32 Mt d’équivalents-CO2 en 2020 et l’écart à combler pour atteindre la cible de 2020 du Canada serait de 149 Mt d’équivalents-CO2 plutôt que de 117 Mt d’équivalents-CO2. Plutôt que d’être à moitié chemin de sa cible de 2020, le Canada aurait parcouru environ un tiers du chemin.

En somme, on doit tenir compte de plusieurs sources d’incertitude lorsqu’on prévoit l’impact futur des politiques. La mesure dans laquelle les politiques en vigueur et les projets de politiques permettront de réduire l’écart par rapport à la cible de 2020 dépend de facteurs comme la croissance économique et démographique, le prix du gaz naturel et d’autres sources d’énergie et des avancées technologies.

TABLEAU 7 : ÉCART SUR LE PLAN DES ÉMISSIONS PAR RAPPORT À LA CIBLE DE 2020 SELON LE SCÉNARIO FORMALISÉ

 

RÉDUCTION
DES ÉMISSIONS
PROVENANT
D’INVESTISSEMENT
DE FONDS POUR

 

L’un des éléments clés de la Specified Gas Emitters policy de l’Alberta est le fonds pour la technologie administré par la Climate Change and Emissions Management Corporation. L’une des options s’offrant aux émetteurs industriels est une contribution à ce fonds. La Corporation réalise des investissements au titre de ce fonds dans des projets visant à réduire les émissions de GES ailleurs dans la province. Le projet de politique de la Saskatchewan visant les émetteurs industriels devrait comporter un mécanisme similaire.

Bien que la modélisation de la TRN ne tient pas compte des mesures incitatives que la Specified Gas Emitters policy offre aux entreprises en vue de réduire les émissions (éviter de contribuer au fonds pour la technologie), il est difficile de formaliser les effets possibles des investissements de la Corporation. Nous ne connaissons pas les projets dans lesquels la Corporation investira ni la date de ces investissements, ni la mesure

dans laquelle le financement provenant de la Corporation constitue un facteur clé dans le cadre du projet. Le modèle SCMI n’est pas assorti d’un mécanisme permettant de prévoir les effets de ces dépenses sur les GES.

Par conséquent, la TRN a procédé à une analyse complémentaire pour évaluer les réductions possibles. Nous avons tout d’abord repris les prévisions du SCMI pour évaluer la mesure dans laquelle les émetteurs ont eu recours à la compensation ou à la réduction directe des émissions pour se conformer. Ainsi, nous avons pu circonscrire la part de la conformité qui est attribuable à des contributions au fonds pour la technologie. Enfin, nous avons évalué les revenus que la Corporation pourrait générer grâce aux versements au fonds d’ici 2020. En nous fondant sur les hypothèses établies à la suite des discussions avec les fonctionnaires de l’Alberta au sujet des projets typiquement financés et des échéanciers types, nous avons établi des prévisions quant aux émissions supplémentaires d’ici 2020. Cette analyse tenait également compte de l’impact différentiel, c’est-à-dire la possibilité que ces projets aient été élaborés sans le soutien financier de la Corporation. L’analyse est somme toute optimiste, mais constitue une évaluation des réductions supplémentaires pouvant être obtenues en Alberta.

Selon cette analyse, la Corporation recevra environ 1,8 milliard de dollars entre 2011 et 2020 sous forme de contributions au fonds pour la technologie, ce qui pourrait se traduire par des réductions supplémentaires à hauteur de 6 Mt d’équivalents-CO2 d’ici 2020 en Alberta. Ces réductions viennent s’ajouter aux réductions présentées dans les graphiques du présent chapitre. Cette estimation est distincte de l’analyse principale présentée dans ce rapport, car elle est générée selon une méthodologie différente et les secteurs dans lesquels ces réductions s’opéreront ne sont pas connus. Or, ces réductions contribueront à diminuer l’écart prévu sur le plan des émissions par rapport à la cible de 2020.

Nous avons appliqué une analyse similaire au fonds pour la technologie proposé en Saskatchewan et avons constaté qu’aucune réduction supplémentaire ne serait produite puisque le fonds ne générera pas de revenus. Comme nos prévisions montrent que la Saskatchewan devrait atteindre son objectif de réduction des émissions de 2020, on ne pourra imposer d’obligations de conformité significatives aux entreprises dans le cadre de cette politique de sorte que celles-ci n’auront pas à acheter des crédits au titre du fonds. Si le fonds ne génère pas de revenus, l’autorité responsable ne pourra investir dans des activités à faibles émissions de carbone.

4.3 Perspective régionale

Compte tenu de l’importance que revêtent les politiques provinciales et territoriales dans l’augmentation des réductions des émissions au Canada, quels sont les dessous des réductions des émissions dans les régions pour 2020? Dans quelle mesure les provinces seront-elles susceptibles d’atteindre leurs propres objectifs? De quelle façon les réductions des émissions provenant des politiques provinciales et fédérales sont-elles réparties au Canada? La présente section répond à ces questions et fait fond sur l’évaluation des plans provinciaux présentée au chapitre 3.

Bien qu’aucun partage des obligations relatives aux émissions de GES n’ait officiellement été négocié entre le gouvernement fédéral et les provinces, en évaluant les progrès réalisés quant à chacun des objectifs provinciaux, on peut mieux comprendre pourquoi le Canada continue d’afficher un écart par rapport à sa cible de 2020.

Objectifs provinciaux et territoriaux

Comme il a été mentionné au chapitre 3, si toutes les provinces et tous les territoires atteignent leurs propres objectifs pour 2020, les politiques fédérales n’auraient qu’à générer une réduction supplémentaire à hauteur de 41 Mt d’équivalents-CO2 pour que la cible nationale de 2020 soit respectée. Bien qu’aucun partage des obligations relatives aux émissions de GES n’ait officiellement été négocié entre le gouvernement fédéral et les provinces, en évaluant les progrès réalisés quant à chacun des objectifs provinciaux, on peut mieux comprendre pourquoi le Canada continue d’afficher un écart par rapport à sa cible de 2020.

La figure 11 situe les objectifs provinciaux dans le cadre des prévisions de la modélisation.j Elle présente : 1) les émissions de 2005 pour chaque province; 2) les émissions projetées en 2020 si aucune politique n’est mise en œuvre après 2005; et 3) le niveau ciblé des émissions pour chaque objectif provincial pour 2020.

FIGURE 11: ÉMISSIONS PROVINCIALES ET OBJECTIFS POUR 2020

La figure met en évidence les difficultés auxquelles se heurte chaque province sur le plan tant de l’ampleur des cibles que sur le plan de l’augmentation des émissions d’ici 2020. À titre d’exemple, l’Ontario et le Québec se sont fixé des objectifs de réduction ambitieux pour 2020 tandis que, selon les prévisions de la TRNEE, la Saskatchewan, le Manitobak et l’Île-du-Prince-Édouard pourraient presque respecter leurs objectifs sans même adopter de politique. Par ailleurs, l’objectif de l’Alberta prévoit une croissance des émissions par rapport aux niveaux de 2005, mais la province éprouve des difficultés importantes quant à la réalisation de son objectif puisque la croissance des émissions projetée est nettement plus élevée.

Réductions des émissions provinciales

L’éventail de politiques fédérales et provinciales en vigueur et proposées que la TRNEE a inclus dans sa modélisation aura probablement une incidence significative sur les émissions provinciales. La figure 12 montre l’incidence prévue pour chaque province dans le cadre du scénario sans politique et met en évidence l’écart à combler par rapport aux objectifs provinciaux. Le graphique illustre la contribution des politiques en vigueur et des projets de politiques à la réduction des émissions de chaque province en vue de l’atteinte de l’objectif provincial. Comme pour les modèles présentés précédemment, l’incidence de chaque scénario de politiques vient s’ajouter aux réductions découlant du scénario précédent.l

FIGURE 12: RÉDUCTIONS DES ÉMISSIONS PROVINCIALES EN 2020 DÉCOULANT DES POLITIQUES EN VIGUEUR ET PROPOSÉES À L’ÉCHELLE FÉDÉRALE ET PROVINCIALE

Comme il a été expliqué dans les scénarios nationaux de prévision, les politiques provinciales en vigueur devraient générer les plus importantes réductions dans chaque province. La taxe sur les émissions carboniques en Colombie-Britannique, le Specified Gas Emitter program en Albertam , l’initiative de retrait progressif des centrales alimentées au charbon en Ontario et les politiques relatives au secteur de l’électricité renouvelable en Nouvelle-Écosse sont autant de politiques qui contribueront à la réduction des émissions. Par ailleurs, la modélisation tient compte des chevauchements entre les politiques fédérales en vigueur et les politiques provinciales en vigueur afin d’éviter un double comptage. Certaines politiques fédérales en vigueur, comme la norme sur la production d’électricité à partir du charbon, ont donc un impact différentiel plus faible sur les résultats provinciaux présentés ici étant donné les politiques axées sur le charbon adoptées en Ontario et en Nouvelle-Écosse.

La réduction qui devrait provenir des projets de politiques fédérales et provinciales se répartit quant à elle dans tout le Canada, mais plus particulièrement en Alberta, en Saskatchewan, en Ontario et au Québec. L’effet le plus remarquable des projets de politiques devrait être observé en Alberta grâce aux projets de captage et de stockage du CO2 qui sont proposés. Selon les prévisions, ces projets permettraient de réduire les émissions de 5 Mt d’équivalents-CO2 d’ici 2020.

Caractéristique 4 : Atteindre les objectifs provinciaux

Comme il a été mentionné au chapitre 3, le quatrième élément clé garantissant l’efficacité d’un plan d’action provincial en matière de changement climatique est l’inclusion d’un nombre suffisant de mesures pour atteindre l’objectif de réduction des émissions de GES. Selon les prévisions de la TRNEE présentées à la figure 12, la Nouvelle-Écosse et la Saskatchewann sont les seules provinces qui devraient atteindre leur objectif pour 2020 par l’intermédiaire des instruments de politiques en vigueur et proposées. Quant à l’Ontario, au Manitoba et au Nouveau-Brunswick, les politiques en vigueur et les projets de politiques devraient leur permettre de combler la moitié de l’écart qui les sépare de leur objectif et d’atteindre leur objectif de réduction des émissions en 2020. Pour les autres provinces, les politiques en vigueur et les projets de politiques devraient leur permettre de réaliser moins de la moitié des progrès nécessaires pour réduire l’écart et atteindre leur objectif de réduction des émissions en 2020.

Il importe de souligner que ces conclusions reposent sur l’écart prévu entre les émissions de 2020 selon le scénario sans politique, de même que la cible relative aux émissions de 2020 (comme le montre la figure 11), et la mesure dans laquelle les politiques formalisées dans le cadre de l’analyse de la TRNEE permettront de réduire l’écart en 2020 (comme le montre la figure 12).Le tableau 8 présente les progrès que chaque province doit accomplir pour atteindre son propre objectif d’émission de GES selon la présente analyse.

TABLEAU 8 : CONTRIBUTION DES POLITIQUES EN VIGUEUR ET DES PROJETS DE POLITIQUES À L’ATTEINTE DE L’OBJECTIF PROVINCIAL

4.4 Perspective sectorielle

L’évolution des réductions des émissions par secteur au moyen des politiques en vigueur et des projets de politiques permet de décrire de façon plus détaillée la nature de l’incidence des politiques fédérales, provinciales et territoriales. Non seulement on définit les aspects prioritaires où les réductions des politiques gouvernementales s’opéreront, mais on met également en évidence les aspects où des réductions supplémentaires pourraient être obtenues.

Réductions sectorielles

Les politiques incluses dans les trois scénarios formalisés sont assorties de mesures qui touchent de multiples secteurs, de même que de mesures qui visent les émissions rejetées par un seul secteur. D’une part, certaines politiques provinciales sont axées sur les forces du marché; c’est le cas notamment de la taxe sur les émissions carboniques en Colombie-Britannique, du projet de système de plafonnement et d’échange dans le cadre de la Western Climate Initiative et, dans une moindre portée, des redevances relatives au gaz au Québec. D’autre part, certaines politiques sont de nature réglementaire; elles présentent des options de conformité et portent principalement sur les grands émetteurs, comme la réglementation sur les émetteurs industriels en vigueur en Alberta et le projet de réglementation sur les émetteurs industriels en Saskatchewan. Enfin, certaines politiques sont axées sur les secteurs, comme la réglementation fédérale relative aux véhicules légers et lourds ainsi que celle portant sur la production d’électricité à partir du charbon, ou le règlement sur les gaz d’enfouissement pris par l’Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique et les codes du bâtiment en vigueur dans plusieurs provinces et territoires.

FIGURE 13: RÉDUCTION DES ÉMISSIONS PROVENANT DES POLITIQUES EN VIGUEUR ET DES PROJETS DE POLITIQUES PAR SECTEUR EN 2020

La figure 13 montre les réductions qui devraient provenir des politiques en vigueur et des projets de politiques par secteur.o Selon ce graphique, la production d’électricité est la source la plus importante de réduction des émissions grâce principalement aux politiques provinciales en vigueur; elle permettrait d’obtenir une réduction à hauteur de 48 Mt d’équivalents-CO2 d’ici 2020. D’ailleurs, nombre de provinces ont ciblé directement la production d’électricité comme une source importante d’émissions : l’Ontario s’efforce d’éliminer progressivement les centrales au charbon, l’Île-du-Prince-Édouard s’est dotée d’une norme pour le portefeuille d’énergie renouvelable et de mesures incitatives pour l’énergie éolienne, la Nouvelle-Écosse impose un plafond sur les émissions provenant du secteur de l’électricité et la Colombie-Britannique s’est donnée comme objectif de produire toute son électricité à partir de sources sans émissions. Il est logique d’accorder la priorité à l’électricité puisque ce secteur est un important pollueur. La réduction de l’intensité du CO2 provenant de l’approvisionnement en électricité permettrait de renoncer aux hydrocarbures au profit de l’électricité en vue d’abaisser les émissions provenant de la consommation d’énergie. Il est à noter que le chevauchement entre les politiques fédérales et provinciales n’est pas présenté ici; il est accordé aux politiques provinciales en vue d’éviter un double comptage. Par conséquent, l’impact différentiel des normes fédérales sur la production d’électricité à partir du charbon est négligeable puisque certaines politiques provinciales comme l’initiative de retrait progressif des centrales alimentées au charbon contribuent déjà à la réduction des émissions.

L’élimination des déchets est un autre secteur où des réductions substantielles des émissions pourraient être obtenues, soit environ 17 Mt d’équivalents-CO2 en 2020, grâce à la réglementation et aux politiques provinciales relatives aux gaz d’enfouissement. Comme nous le verrons au chapitre 5, la séquestration des émissions de méthane se présente souvent comme une solution peu coûteuse pour réduire les émissions.

Enfin, selon les prévisions, les normes fédérales concernant les véhicules légers auront une incidence substantielle; grâce aux politiques en vigueur, les émissions du secteur du transport pourraient être réduites d’environ 11 Mt d’équivalents-CO2 en 2020. De plus, l’impact prévu du projet de réglementation des camions lourds de transport des marchandises sera relativement faible, soit d’environ 3 Mt d’équivalents-CO2.

Autres émissions majeures par secteur

La réduction des émissions provenant des politiques incluses dans la modélisation varie quelque peu dans le contexte des émissions totales par secteur. Dans la figure 14, on ajoute la réduction estimative des émissions qui pourrait être obtenue grâce à toutes les politiques en vigueur et à tous les projets de politiques montrés à la figure 13 au total des émissions du secteur et on compare le résultat aux niveaux d’émission de 2005. Par conséquent, la figure montre les progrès prévus quant à la réduction des émissions dans chaque secteur.

FIGURE 14: RÉDUCTION DES ÉMISSIONS PAR SECTEUR ET DES ÉMISSIONS RESTANTES PAR SUITE DE L’APPLICATION DES POLITIQUES EN VIGUEUR ET DES PROJETS DE POLITIQUES EN 2020

Selon les prévisions, les politiques en vigueur et les projets de politiques permettront de ramener les émissions aux niveaux de 2005 et de les diminuer davantage dans tous les secteurs, à l’exception de celui du pétrole et du gaz, ce qui montre le caractère central que doivent revêtir les mesures de réduction des émissions dans ce secteur pour que la cible de 2020 soit atteinte. Par ailleurs, les émissions dans le secteur de l’élimination des déchets seraient inférieures de près de 70 % aux niveaux de 2005 et la production d’électricité, de 39 %. Bien que les politiques visant le secteur des transports devraient permettre de réduire considérablement l’augmentation prévue des émissions, cette même augmentation empêchera les émissions totales du secteur d’être abaissées en deçà du niveau de 2005. Au chapitre 6, nous nous pencherons sur les coûts associés à la bonification de ces réductions pour chaque secteur.

Objectif du Canada en matière de production d’électricité à faible taux d’émissions

Le gouvernement fédéral a également établi une cible selon laquelle 90 % de l’électricité produite devrait provenir de sources sans émissions d’ici 2020.70 Dans sa modélisation, la TRNEE a évalué les progrès réalisés par le Canada à l’égard de cet objectif. La figure 15 présente les prévisions concernant le portefeuille énergétique du Canada selon un scénario qui tient compte de toutes les politiques en vigueur et de tous les projets de politiques du gouvernement fédéral ainsi que des gouvernements provinciaux et des territoires. On constate que le pays fera passer l’électricité produite à partir de sources sans émissions de 77 % en 2005 à 84 % en 2020. D’ici 2020, l’hydroélectricité, l’énergie éolienne et les autres sources d’énergie renouvelables devraient produire environ 69 % de l’électricité au Canada. Par ailleurs, si l’on inclut l’énergie d’origine nucléaire et les centrales alimentées à partir de combustible fossile dotées d’un système de captage et de stockage dans ce scénario, environ 84 % de l’électricité produite au Canada serait sans émissions de carbone d’ici 2020. Enfin, bien que le Canada ne soit pas en bonne voie pour réaliser la cible à hauteur de 90 %, il sera en mesure d’accomplir des progrès.

FIGURE 15: ÉLECTRICITÉ PRODUITE AU CANADA PAR SOURCE, 2005 – 2020 (TENANT COMPTE DE TOUTES LES POLITIQUES EN VIGUEUR ET DE TOUS LES PROJETS DE POLITIQUES)

4.5 Réduction des émissions d’ici 2030

Même si le présent rapport porte principalement sur les émissions canadiennes d’ici 2020, on ne peut faire fi des tendances à long terme. Les émissions de GES cumulatives revêtent une importance dans le dossier des changements climatiques. Bien que les cibles à court terme comme celle de 2020 sont importantes en soi, elles constituent davantage des jalons à atteindre en vue de la « décarbonisation » à long terme. En fait, si le Canada n’est pas en bonne voie d’atteindre sa cible de 2020, il ne le sera pas plus pour atteindre sa cible de 2030 ou des années suivantes. Nous nous sommes donc penchés sur les impacts possibles des politiques en vigueur et des projets de politiques à long terme. La figure 16 illustre les réductions des émissions qui pourraient être obtenues selon les divers scénarios de politiques si l’on prolonge les prévisions jusqu’en 2030.

Dans l’ensemble, les prévisions indiquent que toutes les politiques, en vigueur ou proposées, auront entraîné une réduction des émissions de 169 Mt d’équivalents-CO2 en 2030. Malgré cette réduction plus importante, le Canada sera en réalité encore plus éloigné de sa cible de 2020 en 2030 en raison de l’augmentation globale des émissions.

L’incidence des politiques s’accentue avec le temps; en 2030, les politiques provinciales et territoriales en vigueur devraient avoir généré une réduction d’environ 110 Mt d’équivalents-CO2 (en tenant compte de la dualité avec les politiques fédérales) par rapport aux niveaux de 2005. Les politiques fédérales en vigueur viennent ajouter à ce chiffre une réduction supplémentaire de 42 Mt d’équivalents-CO2 d’ici à 2030. Dans l’ensemble, les prévisions indiquent que toutes les politiques, en vigueur ou proposées, auront entraîné une réduction des émissions de 169 Mt d’équivalents-CO2 en 2030. Malgré cette réduction plus importante, le Canada sera en réalité encore plus éloigné de sa cible de 2020 en 2030 en raison de l’augmentation globale des émissions.

Nombre des politiques comprises dans la modélisation ont un effet plus important avec le temps, car elles touchent les nouveaux investissements. Plus le temps passe, plus les politiques s’appliqueront à la rotation du stock de capital. À titre d’exemple, les politiques concernant l’établissement du prix du carbone, comme la taxe sur les émissions carboniques en Colombie-Britannique, la Specified Gas Emitter policy en Alberta ou la Western Climate Initiative, influencent essentiellement les décisions concernant les nouveaux investissements et favorisent les investissements dans l’équipement à faible taux d’émissions. De la même façon, la réglementation fédérale sur l’électricité produite à partir du charbon aura une plus grande incidence avec le temps puisqu’elle vise, non pas les centrales actuelles, mais bien les nouvelles constructions. L’incidence des normes fédérales relatives aux véhicules s’accentuera également avec le temps, soit au fur et à mesure que les anciens modèles seront remplacés et que seuls des nouveaux modèles à plus haut rendement énergétique seront offerts sur le marché.

FIGURE 16: RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DÉCOULANT DES POLITIQUES EN VIGUEUR ET DES PROJETS DE POLITIQUES DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL ET DES GOUVERNEMENTS PROVINCIAUX ET TERRITORIAUX JUSQU’EN 2030

4.6 Conclusion

Le présent chapitre renferme cinq conclusions de premier plan qui pourront servir à éclairer l’élaboration des politiques dans l’avenir :

  • Avec les politiques en vigueur et les projets de politiques du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux et territoriaux, le Canada est actuellement en voie de produire un peu moins de la moitié des réductions des émissions nécessaires pour atteindre sa cible de 2020. Il existe donc un écart à l’échelle nationale sur le plan des émissions; d’autres politiques devront donc être adoptées en vue de stimuler davantage les réductions des émissions et atteindre la cible de 2020.
  • La plupart des provinces ne sont actuellement pas en bonne voie pour atteindre leur cible provinciale de 2020, si l’on tient compte des politiques en vigueur et les projets de politiques du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux. Selon notre modélisation, seules la Nouvelle-Écosse et la Saskatchewan pourraient atteindre leur cible.
  • Le Canada serait en mesure de combler l’écart le séparant de son objectif consistant à produire 90 % de l’électricité à partir de sources sans émissions d’ici 2020. Selon les prévisions de la TRNEE, l’ensemble des politiques en vigueur et des projets de politiques permettront au Canada de produire environ 84 % de son électricité à partir de sources sans émissions en 2020, y compris au moyen des centrales nucléaires et des centrales alimentées à partir de combustible fossile qui sont dotées de systèmes de captage et de stockage du CO2.
  • Les réductions des émissions d’électricité constituent la majorité des réductions totales prévues d’ici 2020; elles sont suivies des réductions des émissions provenant de l’élimination des déchets. Par contre, ce sont les politiques provinciales qui permettront la réalisation de la majeure partie de ces réductions des émissions. Quant aux politiques fédérales, elles favoriseront la réduction des émissions dans le secteur des transports et de la construction.
  • Il est long avant que toute l’incidence des politiques puisse être mesurée. Nous nous attendons à ce que l’incidence des politiques fédérales, provinciales et territoriales en vigueur s’accentue et qu’elles soient à l’origine d’une réduction supplémentaire de 60 % en 2030 par rapport à 2020. Enfin, les politiques fédérales seront plus efficaces après 2020 puisqu’il faut plus de temps pour que le stock de capital soit remplacé par de l’équipement à plus faible taux d’émissions.

 


[f] Les résultats quantitatifs présentés dans le présent rapport proviennent d’une analyse de consultation effectuée par Navius Research Inc. à la demande de la TRNEE. Le rapport peut être consulté sur demande (Navius Research Inc. 2012).

[g] Se reporter à Navius Research Inc. 2012 pour plus de détails.

[h] La TRNEE possède une vaste expérience de la réalisation d’évaluations qualitatives pour déterminer les incidences possibles des politiques puisqu’elle évalue annuellement les prévisions du gouvernement conformément à la Loi de mise en oeuvre du Protocole de Kyoto.

[i] Le système de captage et de stockage de CO2 est un exemple de technologie qui peut être difficile à mettre en oeuvre, comme le prouve l’annulation dernièrement par TransAlta du projet Pioneer (d’une valeur de 1,4 milliards de dollars) en raison du faible prix des émissions (O’Meara 2012).

[j] Il est à noter que les résultats quantitatifs pour les territoires sont regroupés avec ceux de la Colombie-Britannique aux fins du présent rapport. Ces résultats ne changent pas significativement les résultats de cette province.

[k] Dans le cadre de son analyse, la TRNEE a supposé que l’objectif du Manitoba pour 2020 était une réduction de 15 % par rapport aux niveaux de 2005, conformément à Environnement Canada 2011a.

[l] Pour évaluer l’incidence des politiques dans les provinces de l’Atlantique, nous avons subdivisé les résultats pour chacune des provinces contenus dans la représentation régionale regroupée du modèle SCMI. Cette ventilation repose sur les données d’Environnement Canada et d’un examen approfondi des réseaux d’électricité dans les quatre provinces de l’Atlantique.

[m] D’autres réductions pourraient également être générées par la Climate Change and Emissions Management Corporation de l’Alberta, mais ne sont pas incluses dans le modèle SCMI; elles sont présentées séparément dans l’encadré 4.2.

[n] Les responsables du ministère de l’Environnement de la Saskatchewan ont indiqué que, à leur avis, la TRNEE avait sous-estimé la croissance économique en Saskatchewan et, en conséquence, l’ampleur de l’augmentation prévue des émissions. Cette préoccupation pourrait être légitime; selon les tendances observées récemment en Saskatchewan, l’activité économique et la population enregistrent toutes deux une croissance rapide. Les prévisions à court terme de la Banque Royale du Canada suggèrent que la Saskatchewan pourrait afficher le plus haut taux de croissance de toutes les provinces en 2013 (Recherche économique RBC 2012). Toutefois, nous ne disposions pas d’autres hypothèses macroéconomiques à long terme aux fins de cette modélisation. Nos prévisions reposent sur des hypothèses cohérentes au sujet de la croissance régionale et sectorielle de la production, lesquelles proviennent de la modélisation d’Environnement Canada, qui est, quant à elle, fondée sur les prévisions macroéconomiques d’Informetrica.

[o] Il est à noter que la répartition par secteur présentée correspond à la fonction de la structure du CIMS et ne concorde pas exactement avec la ventilation présentée dans le rapport d’inventaire national du Canada.

[69] Office national de l’énergie, 2011a.

[70] Gouvernement du Canada 2008.