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Notre processus aide le Canada à trouver des solutions de développement durable intégrant les considérations environnementales et économiques afin d'assurer la prospérité et le bien-être de notre nation.

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We rigorously research and conduct high quality analysis on issues of sustainable development. Our thinking is original and thought provoking.

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We convene opinion leaders and experts from across Canada around our table to share their knowledge and diverse perspectives. We stimulate debate and integrate polarities. We create a context for possibilities to emerge.

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We generate ideas and provide realistic solutions to advise governments, Parliament and Canadians. We proceed with resolve and optimism to bring Canada’s economy and environment closer together.

4.0 Rôles des gouvernements – Face aux éléments

Il est moins coûteux de se préparer aux impacts du changement climatique avant qu’ils se produisent que de réagir à des crises répétées. Les gouvernements doivent éliminer les obstacles et créer des incitatifs pour que les entreprises soient plus enclines à s’adapter de manière proactive. Les gouvernements doivent également garantir la résilience de biens et services clés comme l’infrastructure essentielle et les services écosystémiques pour assurer un fonctionnement en douceur des entreprises et de notre économie et intervenir lorsque le défaut des entreprises de s’adapter à un climat changeant expose la société à des risques.

Les entreprises au Canada et à l’étranger peuvent prendre et prennent des mesures pour s’adapter aux risques et possibilités d’un climat changeant au moyen de l’information, des capacités et des outils existants. Le financement gouvernemental accordé aux consortiums spécialisés dans la recherche, la collecte et la fourniture de données climatiques pertinentes sur le plan régional, le soutien à la recherche sur les impacts ainsi que l’adaptation et les initiatives de sensibilisation aux répercussions éventuelles et d’élaboration d’outils sont toutes des mesures du secteur public qui ont été utiles. Mais les gouvernements canadiens devraient-ils prendre d’autres mesures pour inciter le secteur privé à s’adapter et, dans l’affirmative, comment? Quel soutien les entreprises canadiennes peuvent-elles attendre du gouvernement pour renforcer leur résilience au climat? Le présent chapitre examine ces questions d’abord en explorant les rôles généraux du gouvernement pour favoriser l’adaptation des entreprises, puis en sélectionnant les principaux obstacles administratifs qui exigent une intervention gouvernementale.

4.1 Préparer la voie

La gestion du risque et l’entrepreneuriat viennent naturellement aux entreprises et à l’industrie, alors on peut supposer sans risque que le secteur privé agira dans une certaine mesure pour exploiter les possibilités et réduire les risques liés à un climat changeant sans l’aide des gouvernements. Contrairement aux mesures de réduction des émissions de GES, qui offrent des avantages mondiaux, les avantages présentés par les mesures qui renforcent la résilience aux impacts physiques ont tendance à profiter à ceux qui investissent dans ces mesures. Combinés avec le nombre croissant de sources d’information sur le changement climatique, ses impacts et les options d’adaptation, le caractère local des impacts physiques et le potentiel connexe de gain ou de perte seront sans doute suffisants pour inciter de nombreuses entreprises à investir dans des mesures d’adaptation.

Cependant, les réactions spontanées ne seront peut-être pas suffisantes. En particulier, la documentation et nos propres recherches laissent entrevoir des lacunes dans la capacité et la volonté des entreprises d’apporter des ajustements aujourd’hui pour se préparer aux réalités climatiques de demain. Dans bien des cas, il est moins coûteux d’agir pour se préparer aux impacts du changement climatique avant qu’ils ne se matérialisent que de réagir à des situations de crise et, par conséquent, les gouvernements ont un rôle à jouer pour éliminer les obstacles et créer des incitatifs qui encouragent les entreprises à adopter une attitude proactive. Les gouvernements ont également un rôle de protecteur et d’investisseur à jouer à l’égard des biens d’équipement et des services – comme les systèmes d’infrastructure et les biens et services écologiques – qui sont essentiels au maintien de notre prospérité économique77. Ces deux rôles sont justifiés de par leur efficacité économique. Enfin, la perspective de sérieuses menaces pour l’environnement ou la santé humaine découlant du défaut des entreprises de s’adapter à un climat changeant justifie une intervention gouvernementale pour défendre le bien public.

Les gouvernements au Canada et à l’étranger reconnaissent l’importance des mesures du secteur privé pour s’adapter au changement climatique, mais peu d’entre eux ont mis en œuvre des mesures stratégiques ciblées. Plusieurs stratégies et plans gouvernementaux mettent l’accent sur l’évaluation des vulnérabilités sectorielles et la promotion de la collaboration. Par exemple, la Stratégie d’adaptation 2010 de la Colombie-Britannique prévoit l’exécution d’évaluations du changement climatique pour des secteurs clés, et la première de ces évaluations est en cours pour le secteur agricole78. La Stratégie d’adaptation nationale 2008 du Danemark met l’accent sur la recherche sur les impacts et l’adaptation, la fourniture d’informations et la collaboration interministérielle pour onze secteurs prioritaires, y compris les bâtiments et la construction, l’eau, l’approvisionnement énergétique, les assurances, les pêches, ainsi que l’agriculture et la foresterie79.

Parmi les gouvernements nationaux, l’Australie et le Royaume-Uni font peut-être figure d’exceptions. Le gouvernement australien remplit son rôle consistant à permettre aux entreprises et aux collectivités de s’adapter, en ajustant les institutions et cadres stratégiques existants. Par exemple, en collaboration avec les autorités des États du bassin Murray-Darling, le gouvernement australien révise les mécanismes d’établissement du prix de l’eau et fixe de nouvelles limites de consommation d’eau80. Le Climate Change Act (2008) du Royaume-Uni confère au gouvernement le pouvoir de donner aux sociétés qui fournissent des services publics comme l’eau, l’électricité et le transport de carburant et les exploitants d’aéroports et de ports le mandat d’évaluer et de divulguer les risques liés au changement climatique, ainsi que les mesures de gestion connexes81. En plus de la réduction des risques, l’approche du R.-U. vise à exploiter les possibilités commerciales de l’adaptation au changement climatique (voir l’encadré 5).

Encadré 5

4.2 Le rôle du gouvernement

Le tableau 2 résume les mesures stratégiques que les gouvernements peuvent employer pour aider les entreprises et les industries à s’adapter, y compris des exemples de leur application internationale actuelle. Par rapport à la portée potentielle de l’intervention stratégique, les exemples que nous avons trouvés sont peu nombreux, et on en sait encore moins sur leur efficacité. Cela révèle deux facteurs : le niveau de maturité de l’adaptation du secteur privé à titre d’enjeu stratégique et le défi de distinguer les efforts de promotion de l’adaptation au changement climatique des efforts de promotion du développement durable, de la gestion durable des ressources et de la bonne gestion des risques en général.

Même s’ils ne visent pas à contrer les impacts du changement climatique, plusieurs règlements canadiens prescrivent des mesures susceptibles de procurer des avantages en matière d’adaptation. Les lois environnementales comme la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (LCEE) et la Loi sur l’eau du Québec en sont de bons exemples. Malgré les défis posés par l’application, des comptes rendus isolés des intervenants de la TRN nous ont menés à la conclusion que les évaluations environnementales et autres exigences liées à l’obtention de permis environnementaux prendront de plus en plus d’importance en tant que mécanisme de promotion de l’adaptation des entreprises. Les codes et normes, l’aménagement du territoire et l’octroi des permis aux niveaux provincial, territorial et municipal sont également pertinents du fait qu’ils influent sur le choix des sites (p. ex. la politique de planification côtière du Nouveau-Brunswick et le plan pour le port d’Halifax) et les décisions opérationnelles (p. ex. les exigences en matière de conception technique de l’infrastructure, les exigences en matière de gestion des eaux d’orage et les permis de construction) des entreprises.

Les ajustements aux politiques existantes et la création de nouvelles politiques pour appuyer l’adaptation proactive par les entreprises et les industries auront de multiples facettes. Contrairement à l’atténuation des émissions de GES, il ne convient pas du tout de s’appuyer sur un instrument stratégique majeur, comme un prix du carbone à l’échelle de l’économie, compte tenu du contexte et du caractère propre au site inhérents à l’adaptation aux impacts du changement climatique. Les priorités sectorielles en matière d’adaptation sur le plan national ne sont pas évidentes non plus. Les secteurs de l’industrie déjà exposés aux premiers impacts du changement climatique, dont la foresterie, l’agriculture et le tourisme, sont notoirement vulnérables, mais tous les secteurs industriels sont touchés et leur exposition aux risques liés au changement climatique et leur importance économique varient d’une région à l’autre. Enfin, l’évaluation du succès de l’adaptation ne sera pas aussi simple que de procéder à la collecte et l’analyse de données sur le rendement économique et les émissions. Les gouvernements et les chercheurs canadiens viennent tout juste de commencer à étudier des façons de fixer des objectifs d’adaptation et de mesurer les progrès accomplis[u].

Le message que les entreprises et les industries canadiennes nous ont lancé était clair : pour le moment, les rôles du gouvernement résident dans la création d’un environnement habilitant pour les mesures du secteur privé plutôt que dans l’introduction de nouvelles exigences d’adaptation[v]. Le gouvernement fédéral n’a pas encore exposé clairement aux Canadiens ses rôles et responsabilités en matière d’adaptation au changement climatique ni annoncé les réformes réglementaires ou stratégiques qui suivront. Les gouvernements canadiens ont peu dialogué jusqu’à maintenant avec le secteur privé au sujet de l’adaptation à titre d’enjeu politique et commercial. Toutefois, le gouvernement fédéral s’est récemment engagé à faire de nouveaux investissements dans les programmes nationaux d’adaptation afin de renforcer la capacité des Canadiens de s’adapter à un climat changeant, investissements qui pourraient présenter certains avantages pour les entreprises (par exemple, voir l’encadré 6).

ENCADRÉ 6

Ainsi, quelles interventions stratégiques les gouvernements canadiens doivent-ils prioriser aujourd’hui pour appuyer l’adaptation des entreprises? Et comment les gouvernements canadiens doivent-ils collaborer avec d’autres entités pour éliminer les obstacles et créer les conditions propices à l’investissement dans les mesures d’adaptation par les entreprises en prévision des impacts physiques futurs? Les besoins et les obstacles auxquels les entreprises sont confrontées dans la gestion des possibilités et des risques liés au changement climatique et le renforcement de la résilience à long terme constituent les points de départ de ces discussions.

TABLEAU 2

4.3 Surmonter les principaux obstacles à l’action au Canada

Nos activités de recherche et de rassemblement ont révélé plusieurs facteurs entravant l’action des entreprises en vue de s’adapter à un climat changeant[w]. Il vaut mieux que les entreprises éliminent par elles-mêmes certains obstacles. Toutefois, des entreprises étudiées dans des études de cas et des firmes participant à l’étude de délimitation de la portée et aux événements de la TRN ont exprimé clairement le besoin de soutien de la part du gouvernement et d’autres intervenants pour surmonter cinq obstacles clés :

// LA VULNÉRABILITÉ PAR L’INTERDÉPENDANCE : Plusieurs entreprises profilées dans le présent rapport ont subi des dommages liés au climat qui échappaient à leur contrôle direct, p. ex. les conséquences de la défaillance des infrastructures bâties ou des réseaux de transport lors d’événements météorologiques extrêmes et le ralentissement de la production lorsque des intrants essentiels étaient touchés par des conditions climatiques sévissant ailleurs. La diversification et le renforcement des chaînes d’approvisionnement et des voies de distribution peuvent aider, mais ne permettent pas de gérer entièrement ces risques. Peu importent les efforts individuels déployés par les entreprises pour planifier les impacts du changement climatique et s’en protéger, une infrastructure vulnérable les rend-elle aussi vulnérables. Les entreprises s’attendent à ce que le gouvernement protège et ajuste l’environnement stratégique régissant les systèmes d’infrastructure essentielle et y investisse pour garantir le maintien de leur rendement dans un climat changeant.

// MANQUE DE SOUTIEN STRATÉGIQUE ET RÉGLEMENTAIRE : Il manque actuellement au Canada un signal national clair et uniforme soulignant l’importance pour les entreprises d’évaluer et de gérer les risques posés par un climat changeant. La gestion par les entreprises des risques liés au changement climatique est, en grande partie, facultative. Les points de vue diffèrent quant à la nécessité d’un cadre national, par exemple, mais les avantages perçus comprennent la coordination entre les régions, les secteurs et les ordres de gouvernement et la clarté des rôles et responsabilités. Un cadre national, cependant, doit aider – et non pas entraver – les efforts décentralisés dans les domaines comme l’aménagement du territoire, l’eau et l’infrastructure. Les règlements existants ne tenant pas compte du changement climatique pourraient entraver les efforts des entreprises pour prévenir les dommages liés au climat à l’avenir. Dans l’industrie forestière, par exemple, une réduction de la consommation d’eau et une amélioration de l’efficacité des procédés peuvent aider à compenser les risques opérationnels en période de pénurie d’eau (et profiter aux autres utilisateurs d’eau) mais pourraient entraîner une augmentation de la concentration des rejets d’effluents, menaçant de placer l’entreprise en situation de non-conformité. Dans d’autres secteurs réglementés, l’incapacité de transférer les coûts aux consommateurs rend moins attrayant le fait d’effectuer dès maintenant des dépenses en capital qui amèneraient des avantages à long terme et des réductions des coûts à l’avenir.

// LACUNES EN MATIÈRE D’INFORMATION ET D’OUTILS À L’APPUI DES PROCESSUS DÉCISIONNELS : Même si les besoins et les priorités varient selon le secteur industriel, l’emplacement géographique et l’utilisation finale, il existe une perception généralisée d’insuffisance de la disponibilité et de l’accessibilité des données sur le changement climatique[x]. Cette insuffisance perçue suscite une attitude « attentiste » qui restreint la prise de décisions en matière d’adaptation. Nous remarquons quatre défis particuliers : la confiance dans les projections climatiques et les défis connexes pour choisir des projections comme données d’entrée pour l’évaluation des impacts; la disponibilité de projections climatiques selon des échelles applicables à la prise de décisions d’affaires (haute résolution spatiale, courts délais); la présentation de données sur le changement climatique dans des formats, un langage et des emplacements accessibles aux entreprises; la disponibilité d’outils et de conseils pratiques pour faciliter l’évaluation des risques liés au changement climatique pour les entreprises et l’évaluation des options d’adaptation.

// MANQUE D’INCITATIFS FINANCIERS DE LA PART DU GOUVERNEMENT : Les entreprises répondent aux signaux du gouvernement. Actuellement, les entreprises n’ont pas accès à des incitatifs financiers du gouvernement pour évaluer ou gérer les risques liés au changement climatique, autres que les avantages économiques d’une meilleure gestion des risques. Pourtant, certaines mesures d’adaptation pourraient exiger des dépenses considérables d’immobilisations ou de fonctionnement (p. ex. amélioration des fondations des bâtiments) et d’autres mesures présentent des avantages pour le public (p. ex. mesures visant à améliorer la résilience des forêts). L’absence d’incitatifs, combinée avec la difficulté de transmettre les coûts aux consommateurs dans les secteurs très réglementés, engendre la perception que les entreprises qui investissent dans l’adaptation sont désavantagées.

// MANQUE D’ENGAGEMENT ET DE SOUTIEN DE LA PART DES ACTIONNAIRES ET INVESTISSEURS : Si les principaux acteurs des marchés financiers reconnaissent et priorisent l’importance d’investir maintenant pour éviter des pertes potentielles plus tard, les entreprises feront de même. Même s’il est tout à fait possible que le public reconnaisse davantage les risques liés au changement climatique et de l’adaptation comme un enjeu important pour les décisions des investisseurs[y], il est probable que la focalisation sur la création de valeur à court terme l’emporte. Cela impose aux entreprises le fardeau de démontrer aux investisseurs la valeur de l’adaptation à long terme.

4.4 Décrire les priorités pour avancer

Nous priorisons quatre objectifs de haut niveau en matière de mesures gouvernementales pour permettre l’adaptation des entreprises. Ces objectifs sont fondés sur notre diagnostic des principaux obstacles à l’adaptation des entreprises au Canada actuellement et sur la rétroaction directe des entreprises sur la meilleure façon dont les gouvernements pourraient appuyer l’action en ce sens.

// Adapter l’information sur le changement climatique à une utilisation par les entreprises.

// Augmenter l’information aux investisseurs par une meilleure divulgation d’entreprise.

// Améliorer la résilience de l’infrastructure critique.

// Se préparer aujourd’hui aux innovations stratégiques de demain.

Adapter l’information sur le changement climatique à une utilisation par les entreprises

Une approche d’adaptation efficace et efficiente pour les entreprises consiste à appliquer l’information sur le changement climatique aux décisions opérationnelles et stratégiques au moyen de systèmes et de cadres de gestion avec lesquels les entreprises sont déjà familières[z]. Et comme le démontre le présent rapport, les entreprises d’avant-garde le font déjà en utilisant au mieux l’information sur le changement climatique générée par les initiatives et les fonds fédéraux, provinciaux et territoriaux, entre autres. Par exemple, les entreprises combinent les données climatiques observées avec leurs dossiers internes (coûts d’entretien propres à un site, par exemple) afin d’analyser leur propre vulnérabilité aux dangers liés au climat. Les entreprises profilées dans le présent rapport ont également beaucoup profité des partenariats coopératifs avec des chercheurs universitaires, des organismes spécialisés et des pairs de l’industrie par le biais de centres de services climatiques régionaux (p. ex. le consortium Ouranos au Québec et le Pacific Climate Impacts Consortium en Colombie-Britannique). Pour la plupart, les entreprises prennent ces mesures volontairement, même si certaines d’entre elles y ont été poussées par la réglementation environnementale94.

Cependant, l’intégration de l’information sur le changement climatique dans la gestion des risques et la planification des entreprises est loin d’être chose courante. Jusqu’à récemment, les fournisseurs d’information au Canada constataient une demande limitée du secteur privé pour des ressources d’information particulières dans le cadre de leurs efforts d’adaptation au changement climatique. Aucune évaluation complète des données et de l’information requises ou utilisées par les secteurs industriels canadiens n’a été effectuée. Pourtant, nous savons qu’au Canada, on prend chaque jour des décisions d’affaires stratégiques ayant des répercussions à long terme et assujetties aux risques découlant d’un climat changeant. Nous savons également que l’incertitude quant à la nature et au moment exacts des impacts du changement climatique ne constitue aucunement une raison valable d’ignorer ces risques. Les besoins d’information sur le changement climatique et ses utilisations finales sont variés au sein des secteurs industriels et entre eux (le tableau 3 en montre des exemples), d’où la nécessité d’approches adaptées pour transposer les données, l’information et les connaissances en actions. La transposition de l’information sur le changement climatique en risques d’affaires, en particulier l’expression de ces risques en termes financiers, constitue un défi pour de nombreuses entreprises.

La fourniture d’information et d’outils pour faciliter la prise de décisions dans l’ensemble des régions et secteurs est au cœur des stratégies d’adaptation de plusieurs gouvernements canadiens. C’est une chose que les gouvernements se sont déjà engagés à faire. Par exemple, au niveau fédéral, la nouvelle phase du programme d’adaptation de Ressources naturelles Canada promet de mettre de l’information entre les mains des secteurs des ressources naturelles pour favoriser leur compétitivité95. Étant donné qu’il existe déjà une information abondante pour appuyer les efforts d’adaptation, la collaboration est essentielle pour déterminer des approches pratiques et rentables permettant de tirer parti des ressources dont nous disposons déjà afin de prendre de bonnes décisions malgré l’incertitude climatique.

Cela exige, notamment, de reconnaître que le fait de fournir de l’information et des outils ne suffit pas pour modifier le comportement. Ici, l’expérience du R.-U. mérite d’être mentionnée. Des projections et des scénarios climatiques solides et détaillés sont à la disposition du public du R.-U. depuis un certain temps déjà, mais leur adoption par l’industrie britannique reste limitée. En 2010, la Confederation of British Industry a formulé la recommandation suivante : « Les projections climatiques du R.-U. devraient être intégrées en un éventail de produits plus adaptés… à des gens qui ne sont pas spécialistes du climat » [traduction]96. Pour que les entreprises canadiennes continuent d’améliorer la qualité de leurs modèles de risques et soient en mesure de déterminer des mesures d’adaptation efficaces et économiquement saines, il est primordial d’éliminer les obstacles à l’accès à l’information et les manques de capacité d’appliquer et d’intégrer l’information sur le changement climatique dans les procédures opérationnelles de routine.

TABLEAU 3

Augmenter l’information aux investisseurs par une meilleure divulgation d’entreprise

Les sociétés cotées en bourse doivent divulguer aux investisseurs les informations importants dans le cadre de leurs obligations de divulgation continue en vertu des lois canadiennes sur les valeurs mobilières, y compris les risques importants liés à un climat changeant et les stratégies de gestion connexes. Le règlement 51-102 – Obligations d’information continue des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) oblige les sociétés canadiennes (autres que les fonds de placement) à déposer un formulaire rempli de rapport de gestion avec leurs états financiers annuels et intermédiaires. Dans le rapport de gestion, les sociétés doivent divulguer les informations importants. Les sociétés doivent également déposer une notice annuelle comprenant un énoncé des facteurs de risques relatifs à leurs activités, y compris les « risques environnementaux et sanitaires » et toutes les « autres questions susceptibles d’influer sur la décision d’un investisseur d’acquérir des titres de la société101 ».

Les sociétés savent qu’elles doivent divulguer les risques et informations importants, mais peuvent avoir du mal à déterminer exactement quels risques répondent à ce seuil et comment ils doivent être divulgués. Pour aider les sociétés à respecter la loi, les ACVM ont publié leurs Indications en matière d’information environnementale102 en octobre 2010, huit mois après la publication de la Commission Guidance Regarding Disclosure Related to Climate Change par la Securities and Exchange Commission des États-Unis103. Entre autres aspects, les indications des ACVM demandent aux sociétés de déterminer de quelle manière elles sont susceptibles « de subir les risques physiques découlant d’aspects environnementaux tels que les répercussions […] des modifications des cycles météorologiques et la disponibilité de l’eau104 ». Ces indications reconnaissent implicitement que les sociétés ne s’acquittent toujours pas de leurs obligations de divulgation en matière de changement climatique, malgré les exigences juridiques et les préoccupations naissantes des investisseurs à l’égard des impacts du changement climatique et de l’adaptation105.

Notre analyse des communications annuelles sur les valeurs mobilières de 2010 de 35 déclarants dans sept industries a révélé une divulgation limitée sur le changement climatique, y compris la divulgation des risques physiques liés au changement climatique et des stratégies d’adaptation. Même lorsque les déclarants abordent la manière dont les événements météorologiques extrêmes ou la disponibilité de l’eau affectent leurs activités d’entreprise, ils les lient rarement aux tendances climatiques plus générales, malgré le poids des preuves scientifiques sur les impacts actuels et prévus du changement climatique. Dans certains cas, les entreprises reconnaissent les risques liés au changement climatique dans des rapports volontaires, n’offrant qu’une divulgation minimale ou passe-partout dans leurs rapports obligatoires.

La divulgation limitée liée au changement climatique dans les déclarations financières des sociétés canadiennes évaluées pourrait simplement refléter le fait que la direction a déterminé que les impacts du changement climatique ne constituent pas des risques d’entreprise importants. Cependant, le taux de divulgation des risques pour les activités d’entreprise posés par les conditions climatiques sévères était plus élevé dans les déclarations annuelles de 2010 que dans des déclarations aussi récentes que celles de 2008. En outre, les risques physiques posés par le changement climatique ont peu de chances de n’affecter qu’une seule ou une poignée d’entreprises dans un secteur donné. Par exemple, dans le secteur des transports, si le changement climatique a le potentiel d’augmenter la fréquence des événements météorologiques défavorables pour une entreprise ferroviaire, cela mérite sans doute d’être mentionné pour d’autres entreprises de taille semblable dans la même région géographique – à moins qu’il n’existe entre les deux entreprises d’importantes différences dans les contrôles de risques et la gouvernance. Il est possible que certaines entreprises concentrent leur analyse de l’importance sur les risques réglementaires découlant des politiques d’atténuation des émissions de GES et négligent d’incorporer les connaissances sur les risques opérationnels, financiers et stratégiques posés par les impacts du changement climatique.

Une divulgation insuffisante présente des défis en matière d’information pour les investisseurs et soulève des questions d’application pour les organismes de réglementation des valeurs mobilières. Pour que les investisseurs puissent prendre des décisions éclairées quant au risque découlant d’un climat changeant que court une entreprise (à plus forte raison, essayer d’exercer une influence sur cette position), les entreprises doivent divulguer aux investisseurs ces risques et leurs stratégies d’atténuation dans leurs déclarations financières obligatoires. Par comparaison avec les risques découlant des politiques d’atténuation des émissions de GES, les risques liés aux impacts physiques futurs du changement climatique sont de plus en plus certains, du moins d’un point de vue directionnel106. Une augmentation de la demande pour une plus grande divulgation en matière d’adaptation par le public investisseur et les autres intervenants suivra bientôt. La reconnaissance limitée des risques importants liés à un climat changeant par les sociétés d’assurances est particulièrement préoccupante puisque le défaut d’incorporer les risques liés au changement climatique dans la tarification pourrait se répercuter sur le rendement des investissements107.

Améliorer la résilience de l’infrastructure critique

Les entreprises dépendent de réseaux de biens matériels publics et privés pour livrer des biens et services de manière fiable. Les exploitants d’infrastructures sont des acteurs locaux, régionaux et nationaux – dont des ministères fédéraux, provinciaux et territoriaux et des municipalités, ainsi que des sociétés d’État et des fournisseurs d’énergie (p. ex. pipelines, production, transport et distribution d’électricité), de transports (chemins de fer et ports) et de télécommunications du secteur privé.

Les interruptions de service ont des répercussions en cascade sur les entreprises, les investissements de capitaux et l’économie et, par conséquent, il est important que les exploitants d’infrastructures – peu importe leur propriétaire – prennent des mesures afin d’évaluer les risques pour l’infrastructure posés par le changement climatique et de corriger les lacunes éventuelles. C’est particulièrement important pour « l’infrastructure essentielle », où la société risque de payer le prix de toute défaillance de l’infrastructure ou de toute interruption de service. Prenez par exemple l’effet d’entraînement qu’a eu une vague de chaleur en 2011 aux États-Unis, au cours de laquelle les températures ont dépassé les 40 °C dans plusieurs États108. La chaleur a imposé de lourdes contraintes aux systèmes de transport et de distribution d’électricité. Vingt-cinq mille foyers et entreprises dans quatre cantons de Detroit ont subi les conséquences de pannes d’électricité tournantes109. L’affouillement de l’avenue Finch à Toronto, en 2005, a entraîné des perturbations dans la prestation de services de gaz naturel, d’électricité, de télécommunications, d’adduction d’eau et d’égout. Cet orage particulier a occasionné des coûts de 547 millions de dollars (2005) associés au règlement des réclamations d’assurance (p. ex. dommages aux maisons causés par les refoulements d’égouts) et à la remise en service de l’infrastructure municipale110.

Plusieurs mécanismes complémentaires au Canada peuvent aider à renforcer la résilience au climat de nos principaux systèmes d’infrastructure[aa]. La Stratégie nationale sur les infrastructures essentielles définit une approche de gestion de l’exposition de l’infrastructure essentielle aux risques et aux dangers naturels, intentionnels et accidentels111 attribuables à un climat changeant répondant à cette description. Des codes, normes et instruments connexes (CNIC) régissent toutes les nouvelles conceptions et constructions d’infrastructure, et les ingénieurs et architectes doivent respecter les CNIC dans l’exercice de leur profession. Les CNIC changent en fonction des conditions climatiques changeantes, mais ces mises à jour ne s’appliqueraient pas à l’infrastructure existante, et il pourrait bien falloir plus d’une décennie pour modifier de manière importante les nouvelles pratiques de conceptions et de construction. Le rapport Franc nord : Adaptation de l’infrastructure du Nord canadien au changement climatique de la TRN aborde certaines des lacunes des CNIC en tant que mécanismes pour faciliter l’adaptation112. Pour compléter les mises à jour des CNIC, des initiatives à court terme et propres à chaque site, visant à évaluer et gérer les risques pour l’infrastructure liés au changement climatique, sont nécessaires et prennent forme. Avec l’appui de l’expertise et des fonds fédéraux, Ingénieurs Canada a mis au point un protocole d’évaluation de l’infrastructure – appelé Infrastructure Climate Risk Protocol (Protocole de risque climatique pour l’infrastructure) – que plusieurs municipalités canadiennes ont utilisé pour déterminer la vulnérabilité d’infrastructures nouvelles et existantes au climat changeant. On applique également ce protocole ailleurs dans le monde.

Mais d’importants obstacles entravent l’évaluation et la gestion méthodiques des risques liés au changement climatique pour les infrastructures publiques et privées – au péril de notre économie. Nous remarquons trois problèmes en particulier. Premièrement, les exploitants d’infrastructures peuvent reporter les mesures visant des problèmes à plus long terme, comme le changement climatique, en faveur d’économies de coûts plus immédiates. Deuxièmement, les propriétaires d’infrastructures, publiques comme privées, n’ont assigné aucune responsabilité spécifique en matière d’adaptation parmi les équipes opérationnelles afin d’intégrer efficacement l’évaluation et la gestion des risques dans la planification annuelle de l’entretien, de l’exploitation et des immobilisations. Troisièmement, le potentiel de responsabilité légale, dans certains cas, dissuade dès le départ l’identification des vulnérabilités de l’infrastructure (voir l’encadré 7)113.

ENCADRÉ 7

Se préparer aujourd’hui aux innovations stratégiques de demain

S’adapter à un climat changeant est un processus à long terme. Le présent rapport, cependant, met principalement l’accent sur l’importance d’accélérer les mesures du secteur privé visant à s’adapter aux changements déjà enclenchés dans le système climatique mondial. Le climat futur est en soi incertain, malgré tout, et les données scientifiques soulèvent la possibilité de devoir s’adapter à une augmentation jusqu’à 4 °C des températures mondiales d’ici la fin du siècle114. Cela a d’importantes répercussions sur les décisions et les investissements ayant une longue durée de vie, comme les grandes décisions économiques touchant le développement de l’infrastructure et la modification de l’utilisation des terres. La possibilité de changements climatiques plus intenses et plus rapides que ce que la science est en mesure de prévoir soulève également des questions au sujet de notre dépendance continue à l’égard de certains modèles de gestion (p. ex. la viabilité des pratiques de type juste à temps) ou des biens et services dont nous tenons l’accessibilité pour acquise (p. ex. la climatisation ou le stock nival en montagne en tant qu’énergie stockée).

ENCADRÉ 8

Dans le meilleur des cas, la planification à long terme constitue un défi pour les décideurs des secteurs public aussi bien que privé. Mais la combinaison de l’incertitude scientifique et du potentiel de surprises rend la planification à long terme d’autant plus nécessaire115. Certains des plus grands impératifs des gouvernements et des entreprises exigeront de fixer des objectifs à long terme, d’étoffer les données guidant les révisions des cadres stratégiques existants ou l’élaboration de nouvelles politiques et faire des choix difficiles pour tenir compte des fluctuations de l’ordre et de la demande de biens et de services essentiels en raison du changement climatique (voir dans l’encadré 8 les considérations de conception des politiques climatiques). Les signaux à long terme des gouvernements aideront à encourager les investissements dans les mesures d’adaptation et à établir des conditions équitables pour assurer la réussite des entreprises dans un milieu concurrentiel.


[t] Aux fins du présent document, « incitatifs » désigne de manière générale les ressources ou institutions qui encouragent ou découragent certains types de comportements. Les incitatifs peuvent inclure des informations pertinentes, des signaux de prix, des règlements, des normes et des récompenses ou pénalités financières. La fourniture ou l’utilisation de ces incitatifs peut être volontaire ou involontaire.

[u] Par exemple, en mars 2012, le personnel de la TRN a participé à un atelier national sur la mesure des progrès en matière d’adaptation au Canada, organisé par Ouranos et Ressources naturelles Canada. Les objectifs étaient les suivants : « entreprendre une discussion sur le sujet au Canada, clarifier nos objectifs en matière de mesure de l’adaptation et cerner les types de lignes directrices, de données et d’outils requis. »

[v] Cette orientation est issue des discussions avec le comité consultatif de la TRN sur ce projet et avec d’autres sources (Deloitte 2011; Secrétariat de la Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie, 2011).

[w] Voir à l’annexe 6.1 la liste complète.

[x]« Informations sur le changement climatique » est une expression polyvalente qui englobe les bases de données de variables climatiques, moyennes aussi bien qu’extrêmes, les projections climatiques et leur interprétation, les recherches sur les impacts du changement climatique et l’adaptation de même que les conseils et outils d’analyse permettant d’évaluer les impacts sur les affaires et de préparer et choisir des options de réaction.

[y] On trouve certains indices de cela chez les investisseurs institutionnels canadiens : l’Investment Management Corporation de Colombie-Britannique (bcIMC) s’est jointe au Ceres Investor Network on Climate Risk (Ceres 2010b) et la bcIMC a participé, avec le Régime de retraite des employés municipaux de l’Ontario (OMERS), à la préparation d’un récent rapport Mercer intitulé Climate Change Scenarios — implications for Strategic Asset Allocation (Mercer 2011).

[z] Les systèmes de gestion des risques d’entreprise, de continuité des opérations, de gestion environnementale et de gestion de la qualité sont quelques exemples de systèmes de gestion qui peuvent aider à transposer les connaissances sur les possibilités et les risques liés au changement climatique en stratégies qui préservent et créent de la valeur.

[aa] L’analyse dans cette section provient de D.J. Danyluk Consulting Ltd., 2012. Le rapport de l’expert-conseil est disponible auprès de la TRN sur demande.

[77] Hallegate, Lecocq et de Perthuis, 2011

[78] J. Fraser, Ministère de l’Environnement de la Colombie-Britannique, 2011

[79] Le gouvernement danois, 2008

[80] Department of Climate Change and Energy Efficiency du gouvernement australien, 2010

[81] Royaume-Uni, 2008; Environment Agency, ND

[82] Environnement Canada, 8 novembre 2011

[83] Gouvernement du Canada, 2011

[84] Department for Environment Food and Rural Affairs, ND

[85] Information Center for Climate Change Adaptation – Danish Ministry of the Environment – Danish Nature Agency, ND

[86] Leven met water, 2007

[87] Ministry of Agriculture and Forestry de la Nouvelle-Zélande, 2010

[88] Environment Agency, ND

[89] Ministère de l’Écologie du développement durable des transports et du logement, 2011

[90] Minister for Climate Change and Water Senator, the Honorable Penny Wong, 2008; Department of Sustainability Environment Water Population and Communities, ND

[91] Ministère de l’Écologie du développement durable des transports et du logement, 2011

[92] Department for Environment Food and Rural Affairs, 2010

[93] Ministry of Agriculture and Forestry de la Nouvelle-Zélande, 2011

[94] Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie, 2012

[95] O’Dea, 28 mars 2012 – Présentation de RNCan au sujet de la Platforme d’adaptation

[96] CBI, 2010

[97] Odendahl, 27 octobre 2011;Initiative Financière du PNUE et Sustainable Business Institute, 2011

[98] Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie, 2012; communication personnelle de P. Steenhoff, Association canadienne de normalisation

[99] Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie, 2012; Murdock 2010

[100] Association canadienne des constructeurs d’habitations, 2011; communication personnelle de P. Steenhoff, Association canadienne de normalisation

[101] Commission des valeurs mobilières de l’Ontario, 2006

[102] Autorités canadiennes en valeurs mobilières, 2010

[103] Securities and Exchange Commission, 2010

[104] Autorités canadiennes en valeurs mobilières, 2010

[105] Investor Network on Climate Risk, ND; voir par exemple la Shareholder Association for Research and Education, ND

[106] Reidel, 2011

[107] Leurig, 2011

[108] Harris, 2011

[109] CBS, 2011

[110] MacLeod et Ville de Toronto – 2 décembre 2010

[111] Gouvernement du Canada, 2009

[112] Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie, 2009

[113] Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie, 2009

[114] Smith et coll., 2011

[115] Eakin et coll., 2009